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jueves, 14 de diciembre de 2023

Lexique roman. Tome second. 1836. Introduction.

Tome second.

1836.


Introduction.

Dans ce travail préliminaire je recherche et j' expose les nombreuses affinités; les rapports souvent identiques; des six langues néolatines:

La langue des troubadours,

La langue catalane,

La langue espagnole,

La langue portugaise,

La langue italienne,

La langue française.

J' entreprends, pour la lexicographie de ces idiômes, ce que j'ai tâché d' exécuter pour la comparaison de leurs formes grammaticales.

(1: Voyez le tome VI du Choix des Poésies originales des Troubadours; des exemplaires de ce volume avaient été tirés à part, sous le titre de Grammaire comparée des Langues de l' Europe latine dans leurs rapports avec la Langue des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1821 y in-8.)

J' ose espérer que le résultat de mes investigations démontrera  évidemment l' origine commune des diverses langues de l' Europe latine, et ne laissera plus aucun doute sur l' existence ancienne d' un type primitif, c'est-à-dire d' une langue intermédiaire, idiôme encore grossier sans doute, mais qui pourtant était dirigé par des principes rationnels, notamment quand il s' appropriait, sous des formes nouvelles, plusieurs des mots de la langue latine.

A l' époque où l' irruption des hordes du Nord eut conquis, ou pour mieux dire dévasté les provinces méridionales de l' empire romain, les hommes de l' invasion d' abord campés sur les débris de cet empire, et les anciens habitants qui avaient échappé aux périls et aux malheurs de la destruction, éprouvèrent également le besoin d' exprimer les uns aux autres les idées, les sentiments qui, à chaque jour, à chaque heure, à chaque instant, exigeaient une rapide et intime communication: mais les anciennes populations n' entendaient presque plus la langue latine, et les étrangers l' entendaient moins encore.

Cette crise morale et politique, ces nécessités réciproques, favorisèrent la création d' une nouvelle langue dérivée du latin, ce fut la romane rustique. (1: Voyez les Éléments de la Langue romane avant l' an 1000; tome Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1816.)

Me demandera-t-on à quelle époque précise la langue latine, ainsi modifiée et remaniée, devint un nouvel idiôme à l' usage des populations qui occupaient le midi de l' Europe?

Je répondrai, sans hésiter, que la transmutation était, sinon entièrement achevée, du moins très avancée, lors des serments de 842; j' aurais pu même dire long-temps avant ces serments, puisque leur existence suppose un langage déjà convenu dans une nation, entendu et compris par les princes, les grands et le peuple, qui figurèrent tour à tour dans ces actes solennellement politiques.

Ces serments ont conservé et transmis des exemples, des fragments, sans doute trop peu considérables de cette rustique romane, annoncée comme populaire dans les conciles de 813; toutefois ces débris suffisent à constater l' existence d' un idiôme fortement esquissé, qui déjà se suffisait à lui-même, parce qu' il possédait les habiles moyens de former, d' après un système à la fois facile et arrêté, les mots nécessaires aux communications de la famille et de la société, et à la marche de la civilisation; aussi j' ose dire que les serments de 842 n' appartiennent pas seulement à une époque de création, mais encore à une époque de progrès.

Cet idiôme rustique roman était évidemment celui des habitants de l' empire français, sujets de Charles-le-Chauve, auxquels s' adressait le serment de Louis-le-Germanique, comme parties intéressées à son exécution, et qui eux-mêmes, se rendant garants des promesses de Charles-le-Chauve leur prince, répondirent dans le même langage.

Je l' ai déjà dit, et je le répète: le style de ces serments est encore grossier et informe; il paraît barbare aux personnes qui n' ayant pas fait une étude approfondie des langues néolatines, n' ont pas étudié leur origine, et, pour ainsi dire, assisté à leur formation, aussi simple qu'  ingénieuse; mais j' espère fournir les moyens de juger moins sévèrement cette romane rustique.

Mettrai-je sur le compte des copistes quelques fautes de transcription qui leur sont évidemment échappées? Non, sans doute. Ne suffit-il pas que les textes des deux serments offrent, dans leur ensemble et dans leurs détails, plusieurs accidents lexicographiques et grammaticaux, singulièrement remarquables et incontestablement décisifs, soit par leur existence en 842, soit par leur influence sur les langues de l' Europe latine?

Voici le texte de ces serments:

Serment de Louis le Germanique.

Pro Deo amur et pro xristian poblo et nostro commun salvament d' ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in ajudha et in cadhuna cosa; si cum om per dreit son fradra salvar dist, in o quid il mi altresi fazet; et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit. 

(1: 

1.° Les lettres capitales indiquent les mots qui sont restés dans une ou plusieurs des langues néolatines;

2°. Les lettres italiques, les mots qui, avec une très légère modification, telle que le changement ou la suppression d' une voyelle, d' une consonne, appartiendraient à une ou plusieurs de ces langues;

3°. Les caractères romains désignent les mots purement latins;

4°. Les gothiques, les mots qui n' entrent dans aucune de ces trois classifications.)

Serment du peuple français.

Si Loduuigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat, et Karlus, meos sendra, de suo part non lo stanit; si io returnar non l' int pois; ne io, ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla ajudha contra Loduwig nun li iver.

Observations sur les serments.

Dans le serment de Louis-le-Germanique se trouve le mot salvament; il n' était pas fourni par la langue latine, qui n' a que salvatio.

Qu'on ne soit pas surpris de cette transmutation; la romane rustique possédait déjà l' artifice lexicographique de s' approprier la racine des mots latins, et d' y adapter des désinences différentes et spéciales. 

(2: Le mot salvamentum, comme latin de basse latinité, paraît, en 857, employé dans une allocution de Charles-le-Chauve, qui pourrait bien n' être que la traduction d' un texte roman, et qui conserve beaucoup des tournures des serments de 842.)

C'est une circonstance très remarquable que ce remaniement du mot salvatio par la romane rustique, mais ce qui est plus étonnant c'est que le substantif Salvament se retrouve dans les six langues néolatines:

Troubadours. Salvament. Cat. Salvament. Esp. Salvamiento.

Port. Salvamento. It. Salvamento. Fr. Saulvement.

M' accusera-t-on de me faire illusion quand je trouve, dans un fait aussi frappant, la preuve d' une antique et incontestable affinité entre les langues néolatines, c'est-à-dire l' évidence d' un type commun, d' après lequel chacune s' est ensuite développée, en s' abandonnant au caractère particulier qui l' a distinguée?

Objectera-t-on que c'est là un phénomène qu' une série de circonstances heureuses a produit? Je répondrai en citant un autre mot qui, dans le même serment, offre une pareille transformation. C'est le mot roman Ajudha au lieu d' Adjutorium latin; la rustique romane avait changé ce dernier substantif neutre en un substantif féminin roman, Ajudha, employé dans le serment de Louis-le-Germanique et dans celui du peuple français. (1)

Ce même mot, dont la transmutation était jusqu'à présent restée inaperçue, comme celle de salvatio en salvament, se retrouve aussi dans les six langues néo-latines.

Troub. Ajuda. Cat. Ajuda. Esp. Ayuda.

Port. Ajuda. It. Ajuto. Fr. Ajude.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, il est un substantif qui n' appartient pas à la langue latine, le mot Plaid, traité, accord, plaid. 

(2: Vossius, de Vit. Serm., lib. IV, p. 722-3.)

Ce mot est resté dans les six langues néolatines:

Troub. Play, plait. Cat. Plet. Esp. Pleyto (N. E. pleito; chap. pleite)

Port. Pleito. It. Piato. Fr. Plet, plaid.

Qu' il me soit permis d' appeler une attention plus spéciale sur le substantif indéterminé OM roman; d' homo latin, employé dans le serment de Louis-le-Germanique.

Non seulement OM y remplit la fonction de substantif indéterminé; comme il la remplit toujours dans la langue française; mais encore il paraît, par les plus anciens monuments des langues néolatines, que toutes l' avaient conservé avec la même acception.

Troub. Om, hom. Cat. Hom. Esp. Omne, ome.

Port. Ome. It. Uom. Fr. Hom, on.

Cette forme hardie, qui, par un seul substantif, exprime une pluralité indéterminée, est très ancienne dans les langues néolatines.

Le poëme de Boèce, écrit avant l' an 1000, en offre l' emploi.

No comprari' om ab mil libras d' argent. (v. 198.)

On n' achèterait pas avec mille livres d' argent.

Les lois de Guillaume-le-Conquérant; qui datent de la seconde moitié du XIe siècle; nous montrent plusieurs exemples de ce substantif indéterminé.

Et de tant os cum home trarad de la plaie.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XII.

Et d' autant d' os comme on tirera de la plaie.

Si femme est jugée à mort u à defaçum des membres, ki seit enceinte, ne faced l' um justice dès qu' ele seit delivrée.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XXXV.

Si femme, qui soit enceinte, est jugée à mort ou à destruction de membres, qu' on ne fasse justice jusqu'à ce qu' elle soit délivrée.

La langue latine n' avait pas indiqué aux peuples qui bégayaient la romane rustique cet art d' individualiser une généralisation et de faire connaître par un substantif spécial que plusieurs personnes pensent, parlent agissent, soit ensemble, soit de la même manière.

Que cette forme ait été inventée par la romane rustique, ou qu' elle ait été empruntée d' un idiôme alors existant, la création ou l' imitation, adoptée par toutes les langues néolatines; peut-elle laisser quelque doute sur l' existence d' un type commun et primitif?

La romane rustique présente deux fois, dans le serment de Louis-le-Germanique, l' adjectif relatif Cist, formé du latin hiC ISTe.

Une telle transmutation n' indique-t-elle pas une langue qui a l' art heureux de composer avec les éléments latins les mots qu' elle veut adapter aux besoins de l' expression?

Cadhun fut un mot singulièrement composé, puisque le radical Cada, auquel Un fut adapté, ne se trouve pas dans la langue latine.

Est-ce lors de ses premiers essais, et de ses tâtonnements encore indécis, qu' une langue nouvelle peut ainsi composer des mots hybrides? Non, sans doute; ce n' est que de progrès en progrès qu' elle parvient à s' approprier de telles ressources.

O, d' HOC latin neutre;

LO, régime, substantif relatif, le, s' appliquant aux choses;

L', élision de LO, régime, substantif relatif, personnel, le;

IL, substantif relatif, personnel, sujet, il;

LI, substantif relatif, personnel, régime indirect, à lui,

sont des créations ou transmutations qui démontrent un système grammatical et lexicographique déjà très avancé; une habileté très exercée dans l' art de dériver du latin les expressions nécessaires à la nouvelle langue.

Le que, adjectif relatif, qui est devenu à la fois sujet et régime dans toutes les langues néolatines, emprunté à l' accusatif latin quem, est un fait qu' il importe de signaler particulièrement. Ce que est devenu un mot essentiel et très usuel dans ces langues.

Troub. Que. Cat. Que. Esp. Que.

Port. Que. It. Che. Fr. Que.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, on lit l' adverbe altresi, composé d' alterum sic. Cette sorte de création lexicographique prouve évidemment l' existence non seulement actuelle, mais même très ancienne, de l' idiôme qui se donnait ainsi des adverbes composés. Ce fait seul serait très remarquable, très décisif; mais il y a plus, cet adverbe de la romane rustique s' est conservé dans les six langues néolatines.

Troub. Atresi. Cat. Altresi. Esp. Otrosi.

Port. Outrosi. It. Altresi. Anc. Fr. Altresi.

Cette décomposition de la langue latine et la recomposition romane ne démontrent-elles pas; jusqu'à la dernière évidence, que cette langue rustique, dont il nous reste ces deux fragments de l' an 842, possédait à un haut degré l' art de créer, avec les éléments latins, les mots qui lui convenaient pour exprimer ou plus clairement ou plus rapidement les sentiments et les idées?

De l' adverbe latin quomodo, la rustique romane, enlevant la désinence odo, produisit l' adverbe ou conjonction Quom, Cum, que les langues néolatines adoptèrent.

Joint à si; de sic latin, Com forma une conjonction composée qu' on trouve dans le serment de Louis-le-Germanique.

Le poëme de Boèce employa Cum et Sicum.

Lainz contava del temporal, cum es,

De sol et luna, cel et terra, mar, cum es.

Poëme sur Boèce, v. 97 et 98.

Là il contait du temporel, comme est;

De soleil et lune, ciel et terre, mer, comme est.

Si cum la nibles cobr' el jorn, lo be ma.

Poëme sur Boèce, v. 133.

Ainsi comme le brouillard couvre le jour, le bien matin.

Troub. Com. Cat. anc. Esp. anc. Port. anc. It. anc. Fr. Com.

It. mod. Come. Fr. mod. Comme.

Troub. Si com. Cat. Axi com. Esp. Así como.

Port. Assim como. It. Si come. Anc. Fr. Si com.

La préposition AB, employée dans le sens d' avec, comme le constate le serment de Louis-le-Germanique, n' est restée que dans la langue des troubadours et dans la langue catalane. (N. E. como si fueran distintas.)

Mais quoique AB n' ait pas été expressément conservé ou adopté par les autres langues néolatines, je dois dire que la préposition A, contraction évidente d' AB, quand elle offre le sens d' avec se retrouve dans ces langues. (1: (1) Voyez ci-après le Lexique roman, p. 3.)

N' était-ce pas aussi un habile remaniement de la langue latine que de former le verbe Retornar, employé deux fois dans le serment du peuple Français, dans le sens de ramener, détourner, en ajoutant l' augment RE au primitif latin tornare? (2: Voyez l' introduction contenant les preuves historiques de l' ancienneté de la langue romane, t. Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours, p. IX.)

Ce verbe de la romane rustique retornar, a aussi été adopté par les six langues néolatines:

Troub. Retornar. Cat. Retornar. Esp. Retornar.

Port. Retornar. It. Ritornare. Fr. Retourner.

J' ai annoncé l' existence d' accidents grammaticaux qui prouvent que la langue romane rustique avait créé ou adopté des formes spéciales, des principes caractéristiques. J' indiquerai notamment quatre de ces accidents dont l' existence est constatée par les serments de 842.

1°. Il en est un qui paraîtra de peu d' importance; toutefois, uni aux autres preuves, il sert à les corroborer.

Dans mes travaux précédents (1) j' avais eu occasion d' énoncer que les prépositions DE et A, qui dans l' organisation de ces langues suppléent, par leur action, au défaut des désinences indicatives des cas, étaient souvent supprimées devant les noms propres, et on sait que cette

forme est long-temps restée dans la langue française, qui, aujourd'hui même, en conserve encore des vestiges dans les mots Fête-Dieu, Hôtel-Dieu, etc., etc., où DE est supprimé.

(1: Grammaire romane, articles. - Grammaire comparée, etc., pages 20-22.)

Cette forme spéciale se trouve dans les serments de 842.

Pro () Deo amur; DE supprimé;

() Cist meon fradre in damno sit; A supprimé;

Que () son fradre Karlo jurat; A supprimé.


2.° La rustique romane, en acceptant les mots latins, retranchait ordinairement la désinence: de l' infinitif en ARE, elle fit AR, signe caractéristique du présent des infinitifs de la première conjugaison: 
aussi on lit dans les serments, Salvar, Returnar.

3° Un des artifices grammaticaux de la nouvelle langue, fut de composer son futur de l' indicatif, en adaptant, à ce présent de l' infinitif, le présent ou la désinence du présent du verbe haver; avoir.

Salvar suivi d' AI, première personne du présent de l' indicatif du verbe Aver, produisit la première personne du futur dans Salvarai. (1)

Prindrai fut formé de la même manière de l' infinitif Prindre, et d' AI première personne du présent de l' indicatif d' aver. (2)

Je ferai remarquer que l' existence de ces deux futurs, dans les serments de 842, démontre que la conjugaison du verbe aver employait AI à la première personne du singulier, et il est sans doute permis d' en conclure qu' à cette époque ce verbe possédait sa conjugaison régulière, telle qu' elle s' est trouvée établie par les preuves que des citations d' ouvrages très anciens ont fournies.

En effet, dans des actes de 960 (3) on trouve:

La seconde personne du singulier en AS, daras;

La troisième personne en A, devedara;

La première personne du pluriel en EM, darem;

La seconde en EZ, commonirez;

La troisième en AN, absolveran.

(1) J' ai eu occasion de dire et de prouver que le conditionnel roman fut formé de la même manière, en joignant au présent de l' infinitif l' imparfait ou la désinence de l' imparfait du verbe aver.

(2) Et ainsi des autres personnes:

Sing. 2e. Salvaras.

3e. Salvara.

Plur. Ire. Salvaravem.

2e. Salvaravetz.

3e. Salvaran.

De même de prindre, prendrai, prendras, prendra, etc.

(3) Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 40 et suiv.


L' ancien français offre des exemples frappants de la forme primitive de ce futur, quand, au lieu d' aurai, aura, il dit averai, averad.

Celui qui l' averad troved.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. VII.

Ou vuelle ou non, je l' averai.

Roman du Renart, Chabaille. Var., p. 182.

La langue des troubadours avait une sorte de futur composé an a far; 

l' espagnole dit encore ho a far, etc.

La langue portugaise, outre le futur ordinaire, avero, averas, etc. a conservé un futur composé:

Ho de aver, j'ai à avoir.

Has de aver, tu as à avoir.

Ha de aver, il a à avoir.

Si l' on m' oppósait que des langues néolatines terminent la première personne du futur au singulier, non par AI mais par È ou O, etc., je répondrais que cette circonstance même confirme le principe; car les langues n' ont pas HAI à la première personne du verbe aver (N. E. Lo chapurriau sí, hai o hay + partissipi), mais HÉ, HO, etc., etc.; ensuite elles prennent à la seconde et à la troisième, AS, A; en se conformant toujours à leur propre conjugaison du verbe aver.

L' existence des deux futurs contenus dans les serments de 842, permet donc d' admettre qu'à cette époque les règles des conjugaisons des verbes, et surtout celles du verbe aver, étaient établies, connues et observées.

4°. Mais la circonstance qui, dans les serments de 842, achève de constater l' existence parfaite de la langue romane rustique, c'est d' y trouver son caractère le plus essentiel, sa forme la plus spéciale, le signe qui dès lors distinguait le sujet du régime par la présence ou l' absence d' un S final.

On y remarque:

Sujets. Régimes.

Deus, Deo.

Loduuigs, Loduwig.

Karlus, Karlo, Karle.

Meos, Mon, meon.

Neuls, Nul.

Aucun S final n' accompagne les autres mots employés comme régimes, amur, salvament, xristian, fradre, dreit, Ludher, plaid, vol, sagrament, etc.

Ai-je besoin d' insister sur les conséquences qu' on peut tirer de l' existence de cette règle avant 842? Qui ne serait convaincu de l' ancienneté de la langue rustique primitive, quand on reconnaît que, dès cette époque, elle employait un mécanisme aussi simple et aussi ingénieux, et surtout aussi utile à la clarté du discours?

Tels sont les signes principaux qui révèlent dans les serments de 842 l' existence d' une langue déjà formée, soumise à des principes constants et à des règles fixes.

Ces serments contiennent cent quatorze mots.

Quatre-vingt-cinq (1) appartiennent à la romane rustique primitive, puisqu' ils se retrouvent dans une ou plusieurs des langues néolatines.

(1) En voici les preuves:

Deus, Deo.

Les troubadours avaient Deus, sujet; et Deu, régime.

Anc. Port. Qual dona Deus fez mellor pareçer?

Canc. do coll. dos Nobres de Lisboa, p. 58.

Anc. It. Deo, voce che s' incontra frequente negli antichi, sebbene non

sia per lo più in uso presso i moderni:

Sol per servire alla magion de Deo.

Guitt. d' (Arrezzo) Arezzo, Not. 371, p. 274.

Amur.

Anc. Fr. Ai-jo vers Deu greignur amur.

Marie de France, t. II, p. 412.

Et, Et, Et, Et, Et, Et, Et (1: Je crois devoir répéter les mots aussi souvent qu'ils se rencontrent dans les serments), a été employé dans toutes les langues néolatines; quelques unes, celle des troubadours, l' ancien français, l' italien, ont parfois supprimé le T, surtout devant une consonne; l' ancien catalan et l' ancien espagnol disaient E, et; ensuite ces langues ont adopté en place la conjonction Y (N. E. o I).

Xristian, de christianus, latin. Voilà une opération de la langue romane rustique sur la langue latine. Ce mot a été formé par le retranchement de la désinence latine, caractéristique du cas.

Les troubadours ont toujours employé christian.

Le catalan employa cristiá, l' A accentué équivalant à AN; l' espagnol,

le portugais, l' italien, ont seulement ajouté l' O final euphonique, qui

a produit christiano (N. E. cristiano).

L' ancien français conserva long-temps, surtout dans le style de la

chancellerie, le type primitif de la romane rustique. On lit encore

dans les ordonnances de Louis XI:

Nostre dit Saint Père, comme bon père, et pasteur du peuple chrestian.

Ord. des Rois de France, 1478, t. XVIII, p. 425.

Poblo. L' ancien espagnol employait ce mot, qu' il a depuis modifié en pueblo.

Voyez le Fuero juzgo, passim, et le Glosario de Voces antiguadas (anticuadas), etc., qui est à la suite.

Nostro.

Anc. Esp. It. Nostro.

Commun, de communis, latin. La langue rustique l' avait modifié en

commun par le retranchement de la désinence latine.


Troub. Comun. Cat. Esp. Commun (comú; común). Port. Commum. 

It. Commune. Fr. Commun.

Salvament. J' ai déjà fait observer que ce mot était le produit d' une

opération systématique de la langue romane primitive.

La langue des troubadours, le catalan et le français conservèrent * cette désinence; le français, dans ce mot, ainsi que dans beaucoup d' autres, changea l' A intérieur en E, l' espagnol, le portugais, l' italien, joignirent à MENT la finale euphonique O.

D', DE. DE, latin, fut adopté par la langue des troubadours, par le français, le catalan, l' espagnol, le portugais, et même par l' italien, qui aujourd'hui emploie di; mais jadis il avait employé DE.

Quoique les dictionnaires de la langue italienne n' indiquent pas cette particularité, elle est constatée par des exemples tirés des auteurs anciens.

Lo cor fu paventato

De la sua annunciata.

od. VI.

Ma de la temperanza e pietate

La misericordia sì e nata.

Jacopone da Todi, cant. II.


IST, CIST, CIST.

Ist, d' iste, latin; cist, d' hiciste, latin.

La langue des troubadours adopta ist, est.

Cette même langue, et celle des trouvères, conservèrent cist, et employèrent cest.

Les anciens écrivains italiens, entre autres Dante et Pétrarque, se sont servis d' ESTO, d' ESTA, mais on a prétendu, et le Tasse lui-même a partagé cette erreur (1: Dans ses annotations sur Dante.), qu' ESTE était la sincope de questo.

Il est évident qu' ESTO, italien, venait d' ist des serments de 842.

Le Vocabolista bolognese, p. 146 (2: Gio. Antonio Brunaldi, Vocabolista bolognese. Bologna, 1660, in-12.), cite d' anciens vers où on trouve:

Perch' egli è re del popol d' esto regno.

Ainsi, il faut admettre que l' italien avait conservé cet esto comme la langue des troubadours et les autres langues de l' Europe latine.

Troub. Ist, est, cist, cest. cat. Est. Esp. Port. Este, isto.

It. Esto, questo. Fr. Cist, cest.

Di, de Dies, latin, resté dans la langue italienne, se trouve dans l' ancien français; les troubadours ont employé DIA. Il ne paraît pas invraisemblable que le passage du serment DI EN eût subi en DI l' élision de l' A, Dia en; mais je renonce à ce qui n' est que conjectures, quelque fondées qu' elles paraissent.

En, de IN, latin.

Ici la langue rustique romane a elle-même changé l' I en E.

Toutes les langues néolatines adoptèrent cet EN.

Troub. Cat. Esp. En. Port. Em. Anc. It. Fr. En.

Les grammairiens et les lexicographes italiens ont reconnu que l' ancien italien usait d' EN au lieu d' IN; ce qui n'est pas surprenant, puisque EN et IN sont également employés dans les serments. Mais il est á remarquer, au sujet d' ist di EN avant, qu' EN est mêlé dans une phrase formant un adverbe composé; ce qui permet de croire que cet EN était très ancien dans la romane rustique.

Vedi da che sei indulto

En ogni opra que vuoi fare.

Jacopone da Todi, lib. II, cant. 30.

En questa gloria di mala ventura.

Jacopone da Todi, lib. V, cant. 23.


Avant.

Troub. Cat. Avant. Anc. Esp. avante. Anc. Port. Aván. Fr. avant.


In, in, in, in, in, in.

On trouve dans le poëme sur Boèce:

Tot a in jutjamen. (v. 17.)

Tout a en jugement.

IN est resté dans la langue italienne.


Quant.

Troub. Cat. Quant. Esp. Port. It. Quanto (cuanto). Fr. Quant.


Mi, Mi.

Troub. Cat. Esp. Me, mi. Port. Me, mim. It. anc. Fr. Me, mi.

Fr. mod. Me, moi.


Si, si, adverbes d' affirmation, de SIC.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Si. 

(N. E. No olvidar el oc, òc, och, hoc afirmación)

Si, si, conjonction conditionnelle, du latin SI.

Troub. Cat. Esp. Si. Port. It. anc. Fr. Se. Fr. mod. Si.


Salvarai, salvar. Deux formes grammaticales essentielles de la langue rustique romane, dont il a été parlé page XI.


Eo, Eo, d' Ego,

L' ancien italien a employé EO, comme la langue des troubadours,

et le portugais EU.

In questa gente ch' EO descrivo adesso...

Barberini, Docum. d' amore, p. 35 et 107.

Ce serait ici le lieu de comparer quelques uns de ces quatre-vingt-cinq mots de la langue romane rustique avec les analogues des anciennes langues germaniques et des divers idiômes du Nord; j' ose croire qu' il en résulterait sans doute des rapports curieux, et peut-être d' utiles éclaircissements sur les origines de plusieurs des langues européennes.

Je me borne à constater un fait grammatical qui me semble de haute importance. 

J' ai prouvé que la romane rustique et toutes les autres langues néolatines ont admis le substantif indéterminé, HOM, om, on, d' homo, latin, pour exprimer une généralité de personnes.

Cette forme grammaticale a existé aussi très anciennement dans les langues germaniques et dans celles du Nord.

Le dictionnaire d' Alberti dit expressément d' eo, “che si trova frequentemente negli antichi poeti.”

Fradre, fradre, fradre, du latin fratrem.

Troub. Fraire. Cat. Frare. (N. E. chapurriau flare.)

Anc. Esp. Los fradres de la casa, omes bien acordados.

V. de S. Millán, cop. 351.

It. Frate. Fr. Frère.


Karlo, Karlo, Karle, de Karolus, latin.

Troub. Cat. Carle (Karles). Esp. Port. It. Carlo. (Carlos) Fr. Carle.


Ajudha, ajudha. Voyez page IV.


Cadhuna, j' ai déjà dit que c'est un mot hybride de la romane rustique, Voyez page VII.

Troub. Cada us. Cat. Cada hú. Esp. Cada uno. Port. Cada hum.


Cosa, du latin causa. Il est resté en italien.


Cum, de quomodo. Voyez page VIII.


Om, d' homo. Voyez p. VI.


Per, du latin per. Cette préposition a été adoptée par les troubadours, par la langue catalane et par la langue italienne.

On la retrouve dans l' ancien espagnol:

Fablar curso rimado per la quaderna via...

Cuemo se partet mundo per treb particion.

Poema de Alexandro, cop. 2 et 254.

Voyez le Glosario de Voc. antig., placé après le Fuero juzgo.

Anc. Port. Per flechas que eron lançadas.

Coronica del re D. Joanno, part. II, p. II.

Port. mod. Pera.

Au reste, on lit dans Paul Orose (Paulo Orosio), lib. VII:

Ante biennium romanae irruptionis, excitatae PER Stiliconem gentes

Alanorum. (N. E. alanos)

Et dans la Chronique d' Idace:

Superatis per Aetium in certamine Francis...

De Africa per Placidiam evocatus.

Rec. des Hist. de Fr., t. 1, p. 597 et 617.


Dreit, du lat. directum.

Troub. Dreit. Cat. Dret. Esp. Derecho. Port. Diricto. It. Dritto. Fr. Droit.
(N. E. aragonés dreito, dreyto; ver drecho)


Son, son, de suum.

Troub. Cat. Son. Anc. Esp. So. (moderno su)

Mandato de so señor todo lo han a far. Poema del Cid, v. 434.

L' italien a aussi employé so.


O, d' hoc, latin; cela, le.

La langue des troubadours a conservé cet o.

On le retrouve dans l' ancien portugais:

Que assi o provaria.

Doc. de 1315. Elucidario, t. I, p. 451.


Il, lo, l', li, substantifs relatifs.

Il, d' ille, est resté dans le français comme sujet, et a été employé parfois en italien comme régime.

Lo, l', s' est retrouvé dans toutes les langues néolatines.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Lo.

D' une part, ce conseil lo trait...

Que c' il tainent lo chapelain,

Il lo metront en mal pelain.

Nouv. rec. des fabl. et cont. anc., t. 1, p. 116 et 117.


Li, du latin illi.

Troub. Li. anc. Esp. Lli. It. Fr. Li.


Altresi. Voyez page VIII.


Ab. Voyez page IX.


Ludher, régime venant du latin Lotharius. (N. E. Alemán Luther, Lutero)


Nul, nulla, du latin nullus.

Troub. Cat. Nul. It. Nullo. Fr. Nul.

En cette acception, nul manque à l' espagnol et au portugais.


Plaid. Voyez pages V et VI.


Prindrai. Voyez page XI.


Qui, que, cui, du latin qui, quem, cui.

Qui, cui ont été conservés du latin.

Troub. Qui, cui, que. Anc. Cat. Que. Esp. Qui, que.

Port. Que. It. Che, cui, que. Fr. Cui, qui, que.


Vol, de l' indicatif du verbe volo.

Ce substantif, conservé par les troubadours, a été aussi adopté par

l' ancien français.

Troub. Don ieu dic que escurols

Non es plus lieus que sos vols.

R. de Tors de Marseille: Ar es dretz.

D' où je dis qu' écureuil n' est pas plus léger que sa volonté.   

Anc. Fr. Incontinent à son vueil obéirent.

Salel, trad. de l' Iliade, p. 127.


Loduuigs, Loduwig. Voyez page XIII. (Ludwig, Luis, Louis; Ludovico)


Sagrament, de sacramentum, conservé par les troubadours, le catalan et le français, avec la finale ment; et par les autres langues, en ajoutant à ment l' o euphonique.


Part, de l' accusatif latin partem.

Troub. Cat. Part. Esp. Port. It. Parte. Fr. Part.


Non, non, négation adoptée par toutes les langues néolatines.

Troub. Non, no. Cat. No. Esp. Non, no. Port. Não. It. Non, no. 

Fr. Non.


Jo, jo. Jo a été français et italien, yo espagnol (N. E. y catalán antes de Pompeyo Fabra). L' O, changé en EU, a produit chez les troubadours ieu, eu, et chez les Portugais eu; et depuis, changé en E, je dans la langue française.

Returnar. Voyez pages IX et X.


Ne, ne, de Nec, ni, latins, a été adopté par l' ancien provençal, par le français et par l' italien.

L' ancien espagnol l' avait employé:

En sacos ne en guilmas non podian caber.

Poema de Alexandro, cop. 1400.


Contra, du latin contra.

Adopté par toutes les langues de l' Europe latine, le français ayant seul changé l' A en E.


Le mot MAN, homme, a eu dans ces idiômes l' acception générale, et de plus l' acception particulière de substantif indéterminé.

Cette double acception se trouve dans l' anglo-saxon, dans le gothique d' Ulphilas.

Wachter, Gloss. germ., pense que cette forme a été fournie aux langues du Nord par la langue gothique. On trouve dans la traduction des Évangiles, par Otfrid:

Za nuzze grebit man ouh tar.

Ad utilitatem fodit homo quoque ibi,

Otfrid, Evang., lib. I, cap. 1, v. 137.

Voyez Ihre, Gloss. suio-gothic.

En danois, en suédois, en hollandais, en allemand (Mann; English man), MAN, substantif masculin, a conservé l' acception générale d' homme et l' acception particulière donnée à ON, roman. (N. E. alemán, man sucht, se busca, man macht, se hace, man weißt es nicht, no se sabe, etc.)

Je crois avoir prouvé que quatre-vingt-cinq mots des serments appartiennent à la romane rustique primitive.

Quant aux mots restants, 1°. il s' en trouve cinq purement latins. (1: Pro, pro, quid, damno, sit.)

2°. Cinq autres n' entrent dans aucune des classifications que j'ai indiquées; ils ne sont ni romans, ni latins. (2: Dist, doit; fazet, fera; stanit, tient; sendra, seigneur; iver, j' irai.)

3°. Dix-neuf mots peuvent, avec la plus légère modification, être comptés parmi ceux de la langue romane. (3:

Dunat, changé en dona par le changement de l' U en O et par la

suppression du T final.

Conservat, conserva,

Jurat, jura.)


Cette suppression en fait des troisièmes personnes du singulier au présent de l' indicatif roman.

Troub. Cat. Esp. Port. It. Dona, conserva, jura.

Le français a changé l' A final roman en E muet: donne, conserve,

jure.

Nunquam: il suffit de retrancher l' m.

Mica nonqua la te. Poëme sur Boèce, v. 14.

Mie jamais la tient.

Troub. Nonca. Cat. anc. Esp. Port. Nunca. Anc. Fr. Nonques.

Karlus, roman Carles (N.E. como Karles Puigdemont.).

Savir, podir; par une légère transmutation, saber, poder.

Troub. Cat. Esp. Port. Saber, poder. It. Sabere, potere. Anc. Fr. Saver, poer.


Meon, meon, meon.

Troub. Fr. Mon. (N. E. en chapurriau tamé: mon pare, mon germá, etc.)


Meos.

Troub. Meus. (N. E. en chapurriau tamé; estos llibres son meus.)


Fradra. Voyez page XVII, fradre.

Suo.

Troub. Sua.


Int, d' inde, latin.

Troub. Ent.

Ella 's ta bella reluz ent lo palaz. Poëme sur Boèce, v. 162.

Elle est si belle que le palais en reluit.

Anc. Esp. El non quiso ende parte nin óvo della cura. 

(óvo, ovo: hubo, tuvo)

Poema de Alexandro, cop. 1294.

Estaban maravilladas ende todas las gentes.

V. de Santa Oria, cop. 7.


Pois, pois, du latin possum.


Neuls, du latin nullus.

On a vu précédemment nul, nulla.

Nun, de non, latin.

Le véritable mot roman NON se trouve dans le serment du peuple français.


On ne saurait trop regretter qu' un document beaucoup plus considérable que les serments de 842 ne nous ait été transmis que dans une traduction latine, qui du moins constate son existence en romane rustique; je veux parler des allocutions que firent, en cette langue, Charles-le-Chauve et Louis de Germanie son frère, lors du traité de paix qu' ils conclurent en 860 à Coblentz (Koblenz, Coblenza), où ils avaient réuni des princes de leur famille, des évêques, des grands et leurs fidèles. On jugera aisément que les expressions de ce précieux document auraient confirmé ce que je dis sur l' existence et l' état de la langue romane au IXe siècle, et auraient fourni à mes assertions de nouvelles preuves et de nombreux développements.

Le roi Louis parla d' abord en langue théotisque; (1: Cette allocution fut longue, elle est traduite dans les capitulaires.

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 141, 142, 143, 144.) 

Charles répéta la même allocution en langue romane. (2: Haec eadem domnus Karolus romana lingua adnuntiavit. Baluzio, Capit. Reg, Fr., t. II, col. 144.)

Louis de Germanie dit ensuite à son frère en langue romane: 

“Maintenant, si vous le voulez bien, je désire avoir votre parole au sujet de ces hommes qui me firent hommage de fidélité.” (3: Post haec domnus Hludouvicus ad domnum Karolum fratrem suum lingua romana dixit: “Nunc, si vobis placet, vestrum verbum habere volo de illis hominibus qui ad meam fidem venerunt.” Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.)

Et le seigneur Charles dit à haute voix en langue romane:

“Quant à ces hommes qui se conduisirent envers moi comme vous le savez, et vinrent auprès de mon frère, tous les méfaits dont ils se rendirent coupables envers moi je les pardonne à cause de Dieu et pour

son amour, et afin d' obtenir sa grâce: je leur accorde les alleux qu' ils ont eus par héritage ou par acquêt et par donation de notre Seigneur,  exceptant ce que j' avais donné moi-même, s' ils me fournissent l' assurance qu' ils seront en paix dans mon royaume, et qu' ils y vivront comme des chrétiens doivent vivre dans un royaume chrétien, et cela si mon frère accorde également à mes fidèles qui ne commirent aucun méfait envers lui, et qui m' aidèrent, quand il en fut besoin, les alleux qu' ils possèdent dans son royaume. Quant à ces alleux, et même quant aux fiefs que les autres obtinrent de moi, j' agirai envers ceux qui reviendront à moi, sans prendre d' engagement à cet égard, d' après ma volonté, comme je le déterminerai mieux avec mon frère.” (1)

Enfin Charles parla encore en langue romane, exhorta à la paix, et exprima le voeu, qu' avec la grâce de Dieu, tous les assistants retournassent chez eux sains et saufs; il mit ainsi fin aux allocutions. (2)

(1) Et domnus Karolus, excelsiori voce, lingua romana dixit:

“Illis hominibus qui contra me sic fecerunt sicut scitis, et ad meum fratrem venerunt, propter Deum et illius amorem et pro illius gratia, totum perdono quod contra me misfecerunt, et illorum alodes de hereditate et de *conquisitu, et quod de donatione nostri Senioris habuerunt, excepto illo quod de mea donatione venit, illis concedo, si mihi firmitatem fecerint quod in regno meo pacifici sint, et sic ibi vivant sicut christiani in christiano regno vivere debent. In hoc si frater meus meis fidelibus, qui contra illum nihil misfecerunt, et me, quando mihi opus fuit, adjuvaverunt, similiter illorum alodes, quos in regno illius habent, concesserit. Sed et de illis alodibus quos de mea donatione habuerunt, et etiam de honoribus, sicut cum illo melius considerabo, illis qui ad me se retornabunt, voluntarie faciam.”

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.

(2) Et tunc domnus Karolus iterum lingua romana de pace commonuit, et ut, cum Dei gratia, sani et salvi irent, et ut eos sanos reviderent, oravit, et adnuntiationibus finem imposuit.

Baluzio, Cap. Reg. Fr., t. II. Col. 144.

La traduction de ces diverses allocutions romanes a fourni plus de six cent cinquante mots latins, et il faut observer que tous les discours romans n' ont pas été traduits.

Voilà donc sept à huit cents mots romans dont l' existence au IXe siècle est constatée, et qui auraient sans doute fourni le moyen de compléter la démonstration qu'à cette époque cette langue avait déjà reçu la plupart

des développements et des genres de perfection qu' on a remarqués dans les langues néolatines.

Mais si ces preuves utiles, quoique surabondantes, manquent, il me sera permis de recueillir et de rapprocher celles que fournissent divers fragments de cette langue romane rustique à l' époque de 960. (1)

Dans le peu de mots qu' ils ont conservés, ces fragments offrent une correspondance intime avec le style des serments de 842, et il n' est pas possible de méconnaître l' identité des formes grammaticales et lexicographiques. (2: Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 49 et s.)

Serments de 842. Actes de 960.

Substantif, Sagrament. Sacrament, p. 50.

Subst. et adj, Li. Li tolra, li devedara, p. 40, 42.

Relatifs. Lo, l'. Lo tornara, p. 40.

O. Non o farai, si o tenra, p. 46, 42.

Que. Que combatre, p. 41.

Que no las, per so que, p. 42, 43.

Adj. indét. Nul. Nul, p. 45.

Verbes. Salvar, returnar. Trobar, p. 46.

Salvarai, prindrai. Tolrai, vedarai, prendrai, p. 41.

Négation. Ne, non. Ne las, ne no, p. 45.

Préposition. Ab. Ab ti, ab te, ab els, p. 44, 43, 46.

Per. Per bataillia, p. 41.

Ajouterai-je qu' il a existé, conformément aux conciles de 813, des homélies, des discours, qu' adressaient au peuple les ministres de la religion, expressément chargés dé prêcher en romane rustique

(1: Homelias quisque aperte transferre audeat in rusticam romanam linguam. Labbe, Concil. de 813, t. VII, col. 1263.)

Mais à défaut de ces documents qui expliqueraient et démontreraient toujours plus évidemment les principes ingénieux, les regles simples et habiles qui présidèrent à la formation et au développement de la romane rustique, on peut établir et indiquer avec succès la comparaison et les rapports des diverses langues néolatines; oui, l' homogénéité de leurs imitations de la langue latine, l' unité méthodique des modifications qu' elles ont ou faites ou acceptées comme de concert, fourniraient à elles seules la preuve incontestable de leur unité, et de l' existence d' un type primitif intermédiaire, d' après lequel chaque langue paraît avoir développé, ou plus tôt ou plus tard, les moyens communs à toutes, en marquant son individualité par des formes spéciales, des particularités caractéristiques.

Tableaux

sábado, 13 de noviembre de 2021

Lo llibre dels poetas. Segle XIV.

SEGLE XIV. 

Bellviure, Pau de. - Fraderich de Sicilia. - Mallol, Llorens. 
- March, Arnau. - March, Jaume. - March, Pere.
(
los tres valencianos; Pere March fue el padre de Ausiàs March)
- Miquel, Bernat.
- Muntaner, Ramon. (
conocida crónica) - Prades Daude de.
- Pere l' Ceremoniós. (
rey de Aragón, Pedro IV; lo ceremoniós)
- Pons, Huch III, Compte d'Ampurias.
- Queralt, Pere de.
- Turmeda, Anselm.
PAU DE BELLVIURE. Per fembra fo Salamó enganat lo rey Daviu e Samsó exament lo payre Adam ne trencá 'l manament Aristotil ne fou com encantat e Virgili fon perdut per la tor e sen Johan perdé lo cap per llor e Ipocras morí per llur barat donchs si havem per dones follejat no smayar tenir tal companyía. FRADERICH DE SICILIA. (Al compte de Ampurias.) Ges per guerra nom chal aver consir ne non es dreiz de mos amis mi planga ch' a mon secors vei mos parens venir, é de m' onor chascuns s' esforza en s' langua perch' el meu nom maior cors pel mon aia. E se neguns par che de mi s' estraia no l' en blasme qu' en menta faiz apert ch' onor e prez mos lingnages en pert. Pero el reson dels Catalans auzir e d'Aragon puig far part Alamagna; e so ch' enpres mon paire gent fenir: del regn' aver crei che per dreiz me tangna, e se per ço de mal faire m'assaia ninguns parens, car li crescha onor gaia, bem porra far dampnage á deschubert, ch' en altre sol non dormi ni 'm despert. Poble, va dir a chui chausir so plaia che dels Latins lor singnoria m'apaia; per que aurai lor e il me per sert; mas mei parens mi van un pauc cubert.
LLORENZ MALLOL. 

Molt devetz dompnam suy presentatz 
á vos preyau que 'm disetz clarament 
qui son aycels qui 'us han dat entenen 
qui heu aya dit qu'en suy de vos amats 
car nuyll temps no dixi tal follor 
ne dins mon cap nos poch may presumir 
dir negun mal de vos ne consentir 
res que tornás a vostra desonor. 

E tant no 'us dich que vostra senyoria 
me vullye ausir ne ver per scusat 
d'on visch molt trist e quoax desesperat 
imaginant en la trob gran falsia 
que lausangiers alevar m'an volgut 
per metre mal entre nos e devis 
d'on prey á Deus ab cor veray e fis 
si 'u diguí may qu'en res El non m'ajut. 

Si 'u diguí may, que ja Deus no 'm perdó 
degus peccats qu' aya fets venials 
ne ay tampoch los que seran mortals 
ans en infern criéu penetensa 'm do 
tal que nuyll temps no 'n calgue haver sper 
d' exir de lay on auray marriments 
ans xascun jorn me doblen los turments 
tant que l' ausir perda é lo veser. 

Si 'u diguí may, qu'ab vos dampna ver aya 
hon mis lo cor lo primer jorn que 'us viu, 
no trob mercés ans me fassats l'esquiu 
havent plaser de tot mal que ieu haya, 
e si mon cors en vos preyar se mou 
qu'ab respost brau mostratz que 'm pesatz poch 
si que mon torn com á un bel badoch 
en tant mal punt que no faza mon prou. 

Si 'u diguí may, que si 'n cort de senyors 
per alguns fayts may de res aclamar 
que degus dels no 'm vullyen scoltar 
ne dir perque fan aleys mes clamors, 
ans del auzir se donen tal afayn 
que lo callar me donen per respost 
e tant no crit qu' á me degú s'acost 
ans diguen tuyt que me 'n vaya malgoayn. 

Si 'u diguí may, que si pux á vellesa 
tant dolent torn e tant croy e revés 
que per mos fayts desgrat de tota res 
haya tots temps ab gran colp de pobresa 
e per destret aya viure tot sols 
preyant á Deu que 'm tragué d' aycest mon 
e si no 'u fay no sie nuyt ni jorn 
que puscha aver sinó mals é grans dols. 


Si 'u diguí may, que si jugar me prench 
á degun joch de taules ne d' eschachs 
que a tant com juch mon sauber sie flachs 
e mala sort no 's parte de mon rench, 
á fi que 'ls daus trench tots ab lo coltell 
renegant Dieus e los sants atresí 
tant que 'l vaguer me prengue el matí 
me veyeu tuit sus alt en lo costell. 

Si 'u diguí may, que si nuyll temps viatge 
fas vultra mar ab mercadés ensemps 
que per me sols se mogue tant mal temps 
que tuyt pensém morir a mort salvatge 
que 'ls colps de mar nos donen tal esmay 
que 'l govern trench e 'ls arbres de hu en hu 
é l'endemá me trobie qualcú 
sus en mon trast mor de por e de glay. 

Si 'u diguí may, que si n'alguna part 
ieu m'esdevench entre mos enamichs 
que sobre me se mostren tan enichs 
que no 'm laixon fins qu'astruch sia e fart 
de ferir me la squena e lo cap 
tant crusellment que no 'm romangue sanch 
dins lo meu cors ans me sallon pel flanch 
tots los budels tant que de mort no scap. 

Si 'u diguí may, que si james notari 
sui ne cosech auctoritat reall 
que ell primer faze per mon seu mall 
un testament fals ab un inventari, 
d'hon sia pres axí soptosament 
que davant tuyt me posen sus al coll 
l'encartament e del sayt lo pus foll 
m'azot tan laig que muyra de present. 

Si 'u diguí may, que si cort d'algun rey 
seguesch ne vuyll aver fama he renom 
jo prech á Deus que no sie null hom 
que 'm vullye be ne salt de mon servey 
ans tots ensemps me vayen difamant 
trasen escarn de me com d'un sclau 
tant que ab bastons me giten del palau 
ferint mon cors e tots temps ahucant. 

Si 'u diguí may, que si poch ma ventura 
ieu me fau clerchs de cant misa de cert 
que 'l benifet que á mi será ofert 
haya á tenirlo ab simonia pura 
ez á far mals sia induytz 
que de present sia hirrigulars 
e 'l payre Sant man sien mors starts 
A Escornalbou on reta l'esperitz. 

Si 'u diguí may, que si nuyl temps m'acort 
d'aver moleyr ne conseguir ne puch 
jo prech á Deus que haja 'l cors malastruch 
o reu e vil ab sguart fer e tort 
ab leja faz e ragullosa veu 
ab lo nas lonch e que 'l pude l'alé 
e brava tant que no li gos dir re 
ne sonar mot tant me tengue sots peu. 

Si 'u diguí may, que 'l jorn qu'iray á casa 
no y puscha anar sino sols e ben luyn 
e si falcó se leve de mon puyn 
ja mes no torn per grans hauch é que faza 
es jeu cercant lay amont es avayll 
maleynt Deu encares tots los sans 
venguen molts lops que 's menjen tots los cans 
si que me 'n torn ab gran febra y rugayll. 


Si 'u diguí may, que si lay en ivern 
vau per camí cuitat per alguns fets 
que prech á Deu que 'm luyn del camí drets 
e 'm faza anar en loch brau e stern 
e com seray en aycest mal partit 
venga la nits e que 'l cel s'anuvol 
ab trons e lamps e tal terra tremol 
que 'm trobe mor é 'l rocí startit. 

Si 'u diguí may, que si 'm fau james frayre 
presicador, vullyes carmalita 
que ges ne trob monestí o cenobita 
on sostenir me vullyen poch ne gayre 
ans meys amichs fassen de me tal clam 
dizen qu'eu faz males arts e conjurs 
perque jutgats si afar mos acurs 
ans carçre scur on muyra de fam. 

TORNADA. 

Mon rich thesaur juntes mans vos reclam 
que no creyats males veus ni tafurs 
pus que vesetz qu'en suy leyals e purs 
en voluntat qui sus totes vos am. 


ALTRA OBRA D'EST POETA. 

Sobre 'l pus alt de tots los cims d' un arbre. (7 estrofas.) 


ARNAU MARCH. 

PARLE LO SENY. 

Presumptuós cors plé de vanitats 
inflats d'ergull sens neguna raysó 
com no t' coneys vols hoir tots temps no 
axi 't morrás seguint tes voluntats 
que feres tu si may te sdevenía 
d'esser amat d'alguna qui 't plagués 
que res ab mal tristor dol e faunía 
tan á llur vol e per no res conqués. 

PARLE LO COR. ........

PARLE LO SENY. 

Cor malastruch membret com axí 't pres 
en temps passat per lo voler seguir 
pren tot lo guany cos tristor e desir 
mal e treball qui t' ha molt fort sotmes 
dolent mesquí com est d'aytal crehença 
cuydes guanyar amant en tant alt loch 
pren los mitjans actiu á ma entendença 
dels grans estats fugirás com de foch. 


PARLE LO COR. 

Ay las mesquí be veig quan valgut poch 
mos greus treballs passats fins al jorn d' huy 
seny mes heu say que fortuna 'm defuy 
qui 'm pot valer si contra leys no 'm moch. ...
E si algun temps complia m'esperança 
bon sperar mes val viure en gran bonança 
un pauch que molt comunament passan. 

TORNADA DEL SENY. 

Si penses cor l'ergull com baxará 
per qui ne quant d' aqueys e d'altres mans 
sens lur estat enveya no 't fará 
havent morir cruelment per vils mans. 

TORNADA DEL COR. 

O tart o leu cascú sab que morrá 
e seguint tu no 'n soy pas restaurans 
si morts son cells la lur fama viurá 
perqué mes bo soferir tals afans. 
-------

Un novell fruyt eixit de la rebaça 
d'eternitat, humanal carn vestit, 
lo fill de Deu nat per aquesta nit 
s'es demostrat en la temporal plaça, 
peregrinant nostre camí passible, 
lo cors huma seguint la Deitat, 
perque 'l Satan ne fos mils enganat 
lo Salvador s'es fet á tots visible. 

ENDREÇA. 

Lo Sperit Sant prech que mon cor encena 
de gran ardor; tots temps puxca servir 
l'infant qu' es nat e puis volgué morir 
per nostre amor rement l' infernal pena. 

ALTRAS OBRAS D'EST POETA. 

Qui porá dir lo misteri tant alt. 

Y en lo poemet de Torroella: Tant mon voler, etc, 
figura com de est poeta una cobla que comensa aixís: 

Tot hom se guart de mí 
de si anant treva pus no tindria 
ne pau ne bona fi...... 
-----
JAUME MARCH.
(
autor del diccionari de rims,
http://www.rialc.unina.it/inc-|.march.htm http://www.rialc.unina.it/95.1.htm
http://www.rialc.unina.it/95.6.htm https://web.archive.org/web/20060828132316/http://proxy.cwe.es/folch/poesia/jmarch.htm) Quant heu cussir en los fets mundanals totes les gents vey regir per fortuna segons lo cors del sol e de la luna les planetes fan obres divinals fassen lur prou o lur dan a vegades axí que 'l mon es pertit per jornades mas Deu no vol l' arma sia sotmesa forcivolment aytal astre seguir ans la rahó pot e deu ben regir lo cors d'hon han entre si gran comptesa. Pero be 'm par obra descominals quant heu remir causa per sí cascuna e vey gran be haver persona struna e d'hom gentil e bo sofrir grans mals axi que 'l be vey amar per casades sens merit gran los vels ben debades e gran honor no seguint gentilesa e sino fos com dins mon cor malbir quatre mones mellor avenir hagre del tot la mia arma malmesa.
Donchs cars amichs qu' entenets bes e mals afigurats la cara de fortuna e no 'us girets si tots las vesets bruna de vostre sen per treball ne per als que chascun jorn hores hi son nombrades que may no 'u vis en be totes passades ges per ayçó non oblidets prohesa ans vullats vos en tot be captenir e los amichs amar e car tenir e en servir Deu non hajats peresa. TORNADA. Deus en cuy es tota virtuts compresa es ha formats los als els fay rogir pot si li play astre mal convertir e tot afan tornar en gran bonesa. TORNADA. Columba pros supliquém la nantesa de Deu que 'ns guart d'errar e de fallir volent nos aut en lo cel acullir que 's guany sens fi e complida riquesa. ALTRAS OBRAS D'EST POETA. I. Ab lo cor trist envirollat d' esmay. II. Dèu é rahó ha mos cinch senys forçats. III. Si á Deus plagués que m' hagués format bell.
______
(Se añade Cobles de Fortuna de la web anterior; los dos textos no son iguales. Empieza ) COBLES DE FORTUNA Quan eu cossir en los fets mundanals, (Quant heu en el anterior) totes les gents vei regir per Fortuna, (vey, fortuna) segons lo cors del sol e de la lluna. (luna) Les planetes fan obres divinals, fasent llur prou o llur dan a vegades, (fassen, lur, ) així que el món és partit per jornades. (axí, 'l mon, es, pertit) Mas Déu no vol l'arma sia sotmesa (Deu) forcívolment a aital astre seguir, (forcivolment aytal) ans la Raó pot e deu ben regir (rahó) lo cors d'on han entre si gran contesa. (hon, comptesa)
Però bé em par obra descominals, (Pero, be 'm)
quan en remir causa per si cascuna (quant, heu, sí) e vei gran bé haver persona estruna (vey, be, struna) e dom gentil e bo sofrir grans mals; (d'hom) així que el bévei anar per cassades: (axi, 'l be vey, amar, casades) sens mèrit gran los ve lo bé endebades (merit, vels, ben debades) e gran honor no seguint gentilesa; e, si no fos com dins mon cor m'albir (e sino, malbir) - que altre món és mellor per a venir -, (no está en el otro, pone “quatre mones mellor avenir”) hagra del tot la mia arma malmesa. (hagre)
Doncs, cars amic que entenets béns e mals, (amichs, qu', bes) afigurats la cara de Fortuna (fortuna) e no us girets, si tos la vesets bruna, ('us girets si, tots las) de vostre sen per treball ne per àls, (als) que xascun jorn hores hi són nombrades, (chascun) que mai non vis en bé totes passades. (may, 'u, be) Ges per aiçò non oblidats proesa, (ayçó, oblidets, prohesa) ans vullats-vos en tot bé captenir (vullats vos, be) e los amics amar e car tenir, (amichs) e-z en servir Déu non hajats peresa. (e en, Deu) Déus, en qui és tota virtut compresa (Tornada. Aquí cambia mucho, consultar el texto anterior) e-z ha formats los cels e els fai vogir, pot, si li plai, astre mal convertir e tot afan tornar en gran bonesa. Columba pros, supliquem la nautesa de Déu que ens guard d'errar e de fallir, volent-nos aut en lo cel acollir que és gauig sens fi e complida riquesa.
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PERE MARCH. Al punt com naix comence de morir e morint creix e creixent mor tot dia cun pauch moent no cessa de far via ne per menjar, ne jasser, ne dormir, tro per edat mor e descreix amassa tan qu'axi vay al terme ordenat ab dol, ab guaig, ab mal, ab sanitat mas pus avant dell terme null hom passa.
Trop es cert fayt que no podem guaudir
á la greu mort e que no y val megtía força ne giny, ricat e senyoría e trop incert lo jorn que deu venir. Com quant ne hon que tot ernés trespassa e no y te prou castell mur ne fossat e tan leu pren lo vici col cenat car tots som uns e forjats d'una massa. Be sabem tots que ych havem d'exir o tart o breu e que no y val mestria breu es tot cert qui pensar ho sabria mas lo foll hom no sen done cossir que renyren sa carn bella e grassa e' l front polit e lo cors ben tallat ha tot lo cor á lo seu aplicat als fayts del mon que per null temps no 's lassa.
Si le volém un petit sovenir com son tots fayts d'avol merchandiria e 'l zutze loch hon la mayre 'ns tenia e la viltat de que 'ns hac anoyrir e nexent nos roman la mare lassa, e nos plorám de fort anxietat, entram al mon ple de gran falsedat c' ades alçiu e adés nos abrassa. O vell podrit e que porás tu dir qui 't veus nafrat tot jorn de malaltía missatge cert es que la mort t' envia e tu no 'l vols entendre ne hoyr. Mas com á porch qui jats en la gran bassa de fanch pudent tu 't bolques en peccat di sen tractan fassent molt mal barat ab lo cor falç e la ma trop escassa.
De cor pregon deuriem advertir en l'estat d'hom qui tot jorn se cambia que 'l rich es baix é 'l baix pren manantia, é 'l fort es flach, é 'l flach sab enfortir, é 'l jove sa dolor breument la passa é mort ten leu col vell despoderat é 'l vell mesquí fay lehó de son gat é pense pauch en la mort qui' l manassa.
Deu sab perqué lexa mal hom regir o foll o pech é los bons calumpnia que tal es bo com no te gran batllía que 's fer e mal si 'u pot aconseguir. E tal humil quant es monje de Grassa qu'es ergullós quant ha gran dignitat é tal regir una granda ciutat fora millor á porquer de Terrassa.
Qui be volguès á Deu en grat servir ez en est mon passar ab alegría tot son voler a Deu lexar deuria e no pas Dieu á son vol convertir, car Dieu sab mills á qui tany colp de massa per acabar á qui tenir plagat per esprovar o fer sa voluntat de çó del seu e que 's rehó que 's fassa. TORNADA. Del Payre Sant ay aussit quant trespassa d'aycest exill al juhí destinat que: «diz er fos eu un bover stat» qu'onor d'est mon á peccat embarassa. ENDREÇA. Heu Peyres March pregui Dieu qu'el ny plassa donarme cor e voler esforçat qu'es ab plasser pendra la adversitat e sens ergull lo be que breument passa. ALTRA OBRA D'EST POETA. Jo 'm maravell com no 's veu qui ulls ha. (7 estr., torn. y endr.)
BERNAT MIQUEL. A Deu primer qui es causa causant, tot comprenent e per si incomprensible, genolls fincats estich laors donant com ha format rey tan inconnesible sobrepujant tots los que son mortals, de seny, saber, poder e valor tanta, e de virtuts que dites son morals que sols pensar l' enteniment m'espanta.
Lo sceptre os veig en má dreta portar en l' altre part lo pom d'or qui denota lo mon subdit á vos sens contrestar ab rahó gran car virtut no 's desnota de vos un punt avent les cardinals honor amant com honor amativa segons descriu esser menys principals lo Philosof e per vos les deriva.
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ENDREÇA. De cor e cors, de boca e voler á vos suplic ma culpa gran remetra vostre virtut si mon pobre saber no ha suplit en la part pus estreta.
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MUNTANER. I. En nom daycell ver Deus qui feu lo cel el thro, En so de genentul faray un bell sermó, A honor é á laus del casal Daragó: E per tal que axi sia la salutació, Diga cascú, sil platz, que la Verge nos perdó, Seny é enteniment quen façam nostre pro Per est mon é per laltre, e que á salvació Vengan trestuyt li compte, vescompte é baró Qui en est bo passatge de Serdenya habandó Metre si e sa terra e sa provessió, E segran laut enfant Nanfos, ques guanfanó E de tota Espanya creximent e crezó. De llevant á ponent, mig jorn, septentrió, Tremblara tota gent qui en sa gepció De sos payres valents reys En Jaymes ja no zo. E vull sapiats cascú, que aquest es lo lleó Que Sibella nos ditz, que ab senyal de bastó Abatria largull de mant alta mayzó, Que jes hor non diray, que be mentendon pro. II. E aras vull que sapiats lo meu entendiment, Que trestuyt li presich estant tant solament En tres causes que eu vos diray verament. La primera es la persona qui presicha la gent; La secunda del poble qui lau be é lentent; La terça es la raysó qui del sermó dexent. Adonchs de la primera vos dich, que follament Puje altre en trebuna, que sap certanament Dir e pro e en contra á tot son moviment, E que sapia salvar lo seu proposament. La secunda del poble, que sens marmurament Lo deuon escoltar cascuns molt bellament, Queu sapia retre á son millorament; Que en estes pauch valria tot son presicament, Que lavangeli ditz, ques pert la sement Quis gita entre peyres e espines e xament. A la terça vos dich, que deu fer fundament Al proposit que parla ses tot veyarament. Perqueu fundaray mon presich e breument En aquest bo viatge quens es á tuyt plazent. III. Adonchs, señor infant, com á vostre vasayll, E entendrets ma raysó, que assats de trebayll Hay vist en aquest mon, pus que nul de mon tayll, E per ço en la mar vullats pendre mirayll De li vostre secor, qui feron mant assayll, Que trezol no metats en leustol, e satayll Vos vendrán vostres feyts, que esberch ne capmayll Nous estaran davant, sal XX que lalmirall Galees faça fer lleugeres com á ventayll, En axils ballesters yran com á fibayll: Nols falrá de llurs armes, ans fors com á batayll Los trobarets als ops, quasi com prest, aprayll, Que tot quant les davant tira, que res non fayll, Fos en la vostra gent, Senyor, no hi ha mes cayll, Que trestuyt son de un cor, e nul non sen barayll. E axi es la veritat quel valent dun christayll No preu lals del mon mag del fi corayll Quen Serdenya se pesca, es apres del matayll Vos puscon far senyor, si que ab un sogayll Vos ameno davant tuyt selvazent eguayll. IV. Per ço ay comensat en lo feyt de la mar, Car la mar vol tenir cel qui vol aquistar Lo regne de Serdenya, e si ho fay trembrar, E ara trestuyt lo mon: e sens ço nos pot far, Sens menar la gent fresca per ferir e per dar E jamay ab trezols freschs no pot hom anar, Notxer ne ballester quels fayts san aparar, Ne proher ne remer ayço no cal provar, Quel ballester en taula juguen á tot llevar, Que per mar ne per terra nols pot res contrastar: E sobre aquest partit yo poria alegrar (1) perque, senyor infant, si Jesu Christ vos guar, Tota la vostra gent tenets en alt encar, (1) En l'original de Poblet diu allagar seguint apres est vers que hi manca en las impressions. - Mante bone reyso de que nom cal parlar. E honor e poder al almirayll donar Vullats, e que nul altre no hi haja comandar, Mas ell apres de vos, e en axi honrrar Vos fará de tots feyts que vullats començar. Cent galees ó pus say que porets menar, Lenys armats, sageties, com no pot albirar.
V. Sinquanta naus, senyor, say que vos menarets, Lenys, terides de bandes, e mas daltres lenyets, Que tots lla, Deus marcé, de vostra gent havets. A donchs lo recullir sia plazent é nets, E que a Port Fangos sien trestuyt alets, Que vengon a jorn cert, e les grans naus farets, Senyor, metre en escala, e apres los panquets, Per ço que nengun dan lenamich, questa guets Nous poguessen donar dany; çous prech queus guardets, Que ab gent falsa mester say que contrastarets, Perque dayço es ops, senyor, queus adonets, Que en les llurs paraules ne en ells nous fiets. E totes les galees pres de terra tindrets, En axi per escala los apareyllarets, Que sion ordonats, e en guarda metrets Uns quatre lenys armats, a cuy senyal darets Que feson aytant lleu, e puys ya no duptets, Que dan vos pusca dar home que no amets, Ans en guarda de Deus gint vos recullirets, Quius do honor e gaug e tot ço que volrets. VI. E sencarus sopley la reyal magestat, Quen cascuna galea que sion hordonat Dos notxers e prohers, qui, sens tot barat, Penson de li cavayll, que sol un oblidat No sia, que sos ops nols sia be donat; Car la gent tarasana tro que sion usat De si han pro afar, ans sion be pensat Cascuns en son daver, axils sia mandat, E axi yran tuyt freschs e repausat. E tuyt li cavayller sion acostumat, Que llay hon son cavayll yrat sia mudat Ab tota sa companya, per tal ques aviat Fosson en llur cavayll tuyt molt guint arreat, E si als sen fazia, seria vanitat, Quel passatje es breus, don alegre pagat Ira ab tot li seu, e sin era lunyat, Iria li lo cor que tot fos mal menat, E no estia mut qui vol esser lanzat; Qui son cavayll se lluna pot se tenir per fat, Quen lloch pora fallir don será menyspreat. VII. E per vostra alteza hordonarets, senyor, Que li almugaten e laltre cap major De lalmugaveria, qui son del mon la flor, Vajeen en las galees, e dets companys ab llor De cascú, e li autre yran ab gran bandor, Examen en les naus hon lo fasson honor. La vianda sordone, que segons sa valor Najon assats trestuyt, axil gran, col menor: E sen cascun vexell haja ordonador De totes estes causes que donen á salbor. E sen cascuna nau feyts metre per teror Tres ballesters de torn, e quins vos mal simplor. E trebuchs, manganells, ayço prech non demor, Exades, palafangues, ab mil bon llaurador, Vos, Senyor, menarets, e cent tapiador, Carpenter e ferrer, qui no temon calor; (carpintero; no fuster) E puys Dieu mijanzant, nous cal haver pahor, Que viles ne castells, ciutats, casals ne tor Que nos renda a vos, si donchs ab gran dolor No volion morir e perdre llur honor. VIII. E quant ayço, senyor, será feyt e complit, En nom del Payre el Fill e el Sant Esperit, E de sa dolça mayre, que prech nous oblit, E de trestuyt li sant, ab joy e ab delit Vos tengon en sa guarda e sa má, com es dit, Quel bon rey de Mallorques vos fara tal combit, Que trestuyt vos diran, que res no hi ha fallit. E sen apres, senyor, qual se vulla ne crit A la illa sent Pere, ab fe, e llarch, e trit Refrescats li cavayll, si eron afeblit, E se entretant lestol sera amanuit De passar en Serdenya trestuyt, gran e petit. Ay qui cell jorn veyrá de joy sera complit, Que tans coms e vescoms e vervasor exit Axi gent arreat, qui de cor son plavit Servir laut Senyor infant, qui es mol benesit, De tot á res quil ve, el pus exarnit Qui hanch fos, ni hanch mays nul hom vac marit E darmes say, quel mon non es tan sa delit.
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DAUDE DE PRADES. Daude de Prades non s'oblida pus que sens e cor lenenvida que no fassa un bon solats per si e per cells a qui platz que dels altres non he gran cura et si dats per bona ventura á far romans gay e cortés mentre quan bes mos talans es.
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Segons se qu' avia promes mos romans de tot complit es pero si negus ni havia mais ne saubes e mils dizia ia non pense que 'm anugés ni mal d'avege lin portés mas tals ni ha que 's fan pliers que non volen haver mestiers mas de maldir e de blasmar lo que no sauben esmendar e no enten d'on neix que s' es, PERE LO CEREMONIÓS. Mon car fill, per Sent Anthoni! vos juram quets mal consellat, con laxats tal matrimoni en que 'us dan un bon regnat, e que n'hajats altre fermat, en infern ab lo dimoni. Sia en breu qui 'us n'ha enganat!
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qui ben crex son patrimoni es n'est mont per tuyt presat. Axi ho dits Apolloni largament en un dictat, on ho á ben declarat; e li fa gran testimoni Alexandre, en veritat, no volg esser mullerat. ¡Pel valent de Sant Celoni! ¿Quen prodrés tal heretat?
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(A son fill En Marti, dienli com y de quina manera los joves de la illa de Sicila (Sicilia) devian en avant armarse cavallers.) Vetlan el lit suy nun pençer casat de dar consell als cavallers quis fan, de quis faran cavallers d'ara avant et en qual loch los será pus legat. E dich primer que la Cavallaría rebre deu hom de son Senyor si y es, o de valent cavaller en apres o de qui cap de son linatge sia. Lo loch me par que sia pus degut nobla ciutat o vila grosse e gran (Vilagrassa) o 'ls enamichs valentment garreian tenent el puny lança el bras escut, On esgleya en gran devota sia. e si 'u fa axi, no será ja représ per cavallers ne per null hom entés quin nobles fayts met(-)se pensá tot dia, D'amor no chant axi com far solía (1) car me vey trop en anys avant empés, duptant que'm fos en mal per alcumspres perque men call, que pus non chantaría. ALTRA OBRA D'EST POETA. A vos me don senyora de valor al present jorn per vostra gran honor, etc.

(1) Los cants d'amor
nos son desconeguts: mes no hi ha dupte de que
han existit, tota vegada qu'ell mateix en aquest vers ho aferma. --------- PONS HUCH III, COMPTE D'AMPURIAS. (Resposta á Frederich de Sicilia.) A l'onrat rei Frederic trez vai dir
q' a noble cor nos taing poder sofragna,
Peire comte; e pusc li ben plevir che dels parenz ch' aten de vas Espagna secors o gan non creia ch' a lui vaia, mas en estiu fasa cont chels aia, e dels amics; e tegna li oil ubert ch' els acoilla pales e cubert. Ne nos cuig ges ch' el seus parenz desir ch' el perda tan ch' el regne no il remagna; n'el bais d'onor per Franzeis enrechir: ch' en laisaran lo plan e la montagna. Confundal Deus é lor orgil decaia: pero lo rei e Cicilian traia onrat del faitz; che 'l poublat el edesrt (desert) defendon ben da chosion apert. Del gioven rei me plaz can non sesmaia per paraulas, sol qa bona fin traia so ch' el paire chonquis á lei de sert e si 'l reten, tenremlen per espert. PERE DE QUERALT. Sens pus tardar me ve de vos partir na falza amor puscha vey la falsía de vostre cors fals plé de tritxaria qui tot lo mòn vol en color tenir d'hon eu maldich lo jorn lo punt e l'hora qu'ieu a vos mon cors abandonat richa d'engan, paubre de leyaltat soltz et al tot pus amarga que tora. TORNADA. Al Dieu d'amor supley ab reverença qu' en breu de temps siatz pus freturans de servidors que vos non sotz bastans e no trobets qui 'us aport benvolença.
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ANSELM TURMEDA. (mallorquín; después se nombró ‘Abd Allāh b. ‘Abd Allāh, al-Taryuman, al-Mayurqī, al-Muhtadī. al convertirse al Islam.
“En Telm, Telmo” según https://dbe.rah.es/biografias/4201/anselm-turmeda
) En nom de Deu omnipotent vull començar mon parlament, qui apendrer vol nudriment, aquest seguesca. Primerament quant serás batejat; creurás que la Divinitat es un esser en trinitat de las personas. Y que Jesu-Christ fill de Deu viu es Deu ver Deu, fill de Daviu: aço es ver, y així ho diu la Santa Scriptura.
Dels articles, o tu fill meu,
creurás lo que la Iglesia creu; e si no lo seny teu, la fe hi basta. Aquest llibre jo he dictat, perçó que si es demanat d'algun fet sies informat de la resposta. Y no l'he dictat en llatí, perque lo vell, e lo fadrí, l' estranger e lo cosí entendrel puguen. Llegidor, precte humilment, si hi veus algun defalliment, que per tu, be y llealment esmenat sia. Y si vols saber mon nom fra Anselm me apella hom, y Turmeda sobre nom tots m'ajustan. Açó fon fet lo mes d'Abril temps de primavera gentil, noranta set, tres cents y mil (1397) llavors corrien. Prech á Deu Omnipotent que nos ha criat de nient, (E car fó vengut de nient) que lo nostre habit ament en paradis sia. Amen. (Estilo muy parecido al de Ramon Lull en alguno de sus poemas.
Fragmento de lo dictat de Ramon:
A honor del Sanct Spirit

Començá e finí son escrit,
RAMON, en vinent de Paris;
El comana a
Sanct Loys,
E al noble
rey d' Aragó
Jacme
, en l' encarnació
De Christ
M.CC.XC nòu. 1299)

que nos ha criat de nient,” Ramon Lull: “E car fó vengut de nient” etc.