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jueves, 14 de diciembre de 2023

Lexique roman. Tome second. 1836. Introduction.

Tome second.

1836.


Introduction.

Dans ce travail préliminaire je recherche et j' expose les nombreuses affinités; les rapports souvent identiques; des six langues néolatines:

La langue des troubadours,

La langue catalane,

La langue espagnole,

La langue portugaise,

La langue italienne,

La langue française.

J' entreprends, pour la lexicographie de ces idiômes, ce que j'ai tâché d' exécuter pour la comparaison de leurs formes grammaticales.

(1: Voyez le tome VI du Choix des Poésies originales des Troubadours; des exemplaires de ce volume avaient été tirés à part, sous le titre de Grammaire comparée des Langues de l' Europe latine dans leurs rapports avec la Langue des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1821 y in-8.)

J' ose espérer que le résultat de mes investigations démontrera  évidemment l' origine commune des diverses langues de l' Europe latine, et ne laissera plus aucun doute sur l' existence ancienne d' un type primitif, c'est-à-dire d' une langue intermédiaire, idiôme encore grossier sans doute, mais qui pourtant était dirigé par des principes rationnels, notamment quand il s' appropriait, sous des formes nouvelles, plusieurs des mots de la langue latine.

A l' époque où l' irruption des hordes du Nord eut conquis, ou pour mieux dire dévasté les provinces méridionales de l' empire romain, les hommes de l' invasion d' abord campés sur les débris de cet empire, et les anciens habitants qui avaient échappé aux périls et aux malheurs de la destruction, éprouvèrent également le besoin d' exprimer les uns aux autres les idées, les sentiments qui, à chaque jour, à chaque heure, à chaque instant, exigeaient une rapide et intime communication: mais les anciennes populations n' entendaient presque plus la langue latine, et les étrangers l' entendaient moins encore.

Cette crise morale et politique, ces nécessités réciproques, favorisèrent la création d' une nouvelle langue dérivée du latin, ce fut la romane rustique. (1: Voyez les Éléments de la Langue romane avant l' an 1000; tome Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours. Paris, Firmin Didot, 1816.)

Me demandera-t-on à quelle époque précise la langue latine, ainsi modifiée et remaniée, devint un nouvel idiôme à l' usage des populations qui occupaient le midi de l' Europe?

Je répondrai, sans hésiter, que la transmutation était, sinon entièrement achevée, du moins très avancée, lors des serments de 842; j' aurais pu même dire long-temps avant ces serments, puisque leur existence suppose un langage déjà convenu dans une nation, entendu et compris par les princes, les grands et le peuple, qui figurèrent tour à tour dans ces actes solennellement politiques.

Ces serments ont conservé et transmis des exemples, des fragments, sans doute trop peu considérables de cette rustique romane, annoncée comme populaire dans les conciles de 813; toutefois ces débris suffisent à constater l' existence d' un idiôme fortement esquissé, qui déjà se suffisait à lui-même, parce qu' il possédait les habiles moyens de former, d' après un système à la fois facile et arrêté, les mots nécessaires aux communications de la famille et de la société, et à la marche de la civilisation; aussi j' ose dire que les serments de 842 n' appartiennent pas seulement à une époque de création, mais encore à une époque de progrès.

Cet idiôme rustique roman était évidemment celui des habitants de l' empire français, sujets de Charles-le-Chauve, auxquels s' adressait le serment de Louis-le-Germanique, comme parties intéressées à son exécution, et qui eux-mêmes, se rendant garants des promesses de Charles-le-Chauve leur prince, répondirent dans le même langage.

Je l' ai déjà dit, et je le répète: le style de ces serments est encore grossier et informe; il paraît barbare aux personnes qui n' ayant pas fait une étude approfondie des langues néolatines, n' ont pas étudié leur origine, et, pour ainsi dire, assisté à leur formation, aussi simple qu'  ingénieuse; mais j' espère fournir les moyens de juger moins sévèrement cette romane rustique.

Mettrai-je sur le compte des copistes quelques fautes de transcription qui leur sont évidemment échappées? Non, sans doute. Ne suffit-il pas que les textes des deux serments offrent, dans leur ensemble et dans leurs détails, plusieurs accidents lexicographiques et grammaticaux, singulièrement remarquables et incontestablement décisifs, soit par leur existence en 842, soit par leur influence sur les langues de l' Europe latine?

Voici le texte de ces serments:

Serment de Louis le Germanique.

Pro Deo amur et pro xristian poblo et nostro commun salvament d' ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in ajudha et in cadhuna cosa; si cum om per dreit son fradra salvar dist, in o quid il mi altresi fazet; et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit. 

(1: 

1.° Les lettres capitales indiquent les mots qui sont restés dans une ou plusieurs des langues néolatines;

2°. Les lettres italiques, les mots qui, avec une très légère modification, telle que le changement ou la suppression d' une voyelle, d' une consonne, appartiendraient à une ou plusieurs de ces langues;

3°. Les caractères romains désignent les mots purement latins;

4°. Les gothiques, les mots qui n' entrent dans aucune de ces trois classifications.)

Serment du peuple français.

Si Loduuigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat, et Karlus, meos sendra, de suo part non lo stanit; si io returnar non l' int pois; ne io, ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla ajudha contra Loduwig nun li iver.

Observations sur les serments.

Dans le serment de Louis-le-Germanique se trouve le mot salvament; il n' était pas fourni par la langue latine, qui n' a que salvatio.

Qu'on ne soit pas surpris de cette transmutation; la romane rustique possédait déjà l' artifice lexicographique de s' approprier la racine des mots latins, et d' y adapter des désinences différentes et spéciales. 

(2: Le mot salvamentum, comme latin de basse latinité, paraît, en 857, employé dans une allocution de Charles-le-Chauve, qui pourrait bien n' être que la traduction d' un texte roman, et qui conserve beaucoup des tournures des serments de 842.)

C'est une circonstance très remarquable que ce remaniement du mot salvatio par la romane rustique, mais ce qui est plus étonnant c'est que le substantif Salvament se retrouve dans les six langues néolatines:

Troubadours. Salvament. Cat. Salvament. Esp. Salvamiento.

Port. Salvamento. It. Salvamento. Fr. Saulvement.

M' accusera-t-on de me faire illusion quand je trouve, dans un fait aussi frappant, la preuve d' une antique et incontestable affinité entre les langues néolatines, c'est-à-dire l' évidence d' un type commun, d' après lequel chacune s' est ensuite développée, en s' abandonnant au caractère particulier qui l' a distinguée?

Objectera-t-on que c'est là un phénomène qu' une série de circonstances heureuses a produit? Je répondrai en citant un autre mot qui, dans le même serment, offre une pareille transformation. C'est le mot roman Ajudha au lieu d' Adjutorium latin; la rustique romane avait changé ce dernier substantif neutre en un substantif féminin roman, Ajudha, employé dans le serment de Louis-le-Germanique et dans celui du peuple français. (1)

Ce même mot, dont la transmutation était jusqu'à présent restée inaperçue, comme celle de salvatio en salvament, se retrouve aussi dans les six langues néo-latines.

Troub. Ajuda. Cat. Ajuda. Esp. Ayuda.

Port. Ajuda. It. Ajuto. Fr. Ajude.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, il est un substantif qui n' appartient pas à la langue latine, le mot Plaid, traité, accord, plaid. 

(2: Vossius, de Vit. Serm., lib. IV, p. 722-3.)

Ce mot est resté dans les six langues néolatines:

Troub. Play, plait. Cat. Plet. Esp. Pleyto (N. E. pleito; chap. pleite)

Port. Pleito. It. Piato. Fr. Plet, plaid.

Qu' il me soit permis d' appeler une attention plus spéciale sur le substantif indéterminé OM roman; d' homo latin, employé dans le serment de Louis-le-Germanique.

Non seulement OM y remplit la fonction de substantif indéterminé; comme il la remplit toujours dans la langue française; mais encore il paraît, par les plus anciens monuments des langues néolatines, que toutes l' avaient conservé avec la même acception.

Troub. Om, hom. Cat. Hom. Esp. Omne, ome.

Port. Ome. It. Uom. Fr. Hom, on.

Cette forme hardie, qui, par un seul substantif, exprime une pluralité indéterminée, est très ancienne dans les langues néolatines.

Le poëme de Boèce, écrit avant l' an 1000, en offre l' emploi.

No comprari' om ab mil libras d' argent. (v. 198.)

On n' achèterait pas avec mille livres d' argent.

Les lois de Guillaume-le-Conquérant; qui datent de la seconde moitié du XIe siècle; nous montrent plusieurs exemples de ce substantif indéterminé.

Et de tant os cum home trarad de la plaie.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XII.

Et d' autant d' os comme on tirera de la plaie.

Si femme est jugée à mort u à defaçum des membres, ki seit enceinte, ne faced l' um justice dès qu' ele seit delivrée.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. XXXV.

Si femme, qui soit enceinte, est jugée à mort ou à destruction de membres, qu' on ne fasse justice jusqu'à ce qu' elle soit délivrée.

La langue latine n' avait pas indiqué aux peuples qui bégayaient la romane rustique cet art d' individualiser une généralisation et de faire connaître par un substantif spécial que plusieurs personnes pensent, parlent agissent, soit ensemble, soit de la même manière.

Que cette forme ait été inventée par la romane rustique, ou qu' elle ait été empruntée d' un idiôme alors existant, la création ou l' imitation, adoptée par toutes les langues néolatines; peut-elle laisser quelque doute sur l' existence d' un type commun et primitif?

La romane rustique présente deux fois, dans le serment de Louis-le-Germanique, l' adjectif relatif Cist, formé du latin hiC ISTe.

Une telle transmutation n' indique-t-elle pas une langue qui a l' art heureux de composer avec les éléments latins les mots qu' elle veut adapter aux besoins de l' expression?

Cadhun fut un mot singulièrement composé, puisque le radical Cada, auquel Un fut adapté, ne se trouve pas dans la langue latine.

Est-ce lors de ses premiers essais, et de ses tâtonnements encore indécis, qu' une langue nouvelle peut ainsi composer des mots hybrides? Non, sans doute; ce n' est que de progrès en progrès qu' elle parvient à s' approprier de telles ressources.

O, d' HOC latin neutre;

LO, régime, substantif relatif, le, s' appliquant aux choses;

L', élision de LO, régime, substantif relatif, personnel, le;

IL, substantif relatif, personnel, sujet, il;

LI, substantif relatif, personnel, régime indirect, à lui,

sont des créations ou transmutations qui démontrent un système grammatical et lexicographique déjà très avancé; une habileté très exercée dans l' art de dériver du latin les expressions nécessaires à la nouvelle langue.

Le que, adjectif relatif, qui est devenu à la fois sujet et régime dans toutes les langues néolatines, emprunté à l' accusatif latin quem, est un fait qu' il importe de signaler particulièrement. Ce que est devenu un mot essentiel et très usuel dans ces langues.

Troub. Que. Cat. Que. Esp. Que.

Port. Que. It. Che. Fr. Que.

Dans le même serment de Louis-le-Germanique, on lit l' adverbe altresi, composé d' alterum sic. Cette sorte de création lexicographique prouve évidemment l' existence non seulement actuelle, mais même très ancienne, de l' idiôme qui se donnait ainsi des adverbes composés. Ce fait seul serait très remarquable, très décisif; mais il y a plus, cet adverbe de la romane rustique s' est conservé dans les six langues néolatines.

Troub. Atresi. Cat. Altresi. Esp. Otrosi.

Port. Outrosi. It. Altresi. Anc. Fr. Altresi.

Cette décomposition de la langue latine et la recomposition romane ne démontrent-elles pas; jusqu'à la dernière évidence, que cette langue rustique, dont il nous reste ces deux fragments de l' an 842, possédait à un haut degré l' art de créer, avec les éléments latins, les mots qui lui convenaient pour exprimer ou plus clairement ou plus rapidement les sentiments et les idées?

De l' adverbe latin quomodo, la rustique romane, enlevant la désinence odo, produisit l' adverbe ou conjonction Quom, Cum, que les langues néolatines adoptèrent.

Joint à si; de sic latin, Com forma une conjonction composée qu' on trouve dans le serment de Louis-le-Germanique.

Le poëme de Boèce employa Cum et Sicum.

Lainz contava del temporal, cum es,

De sol et luna, cel et terra, mar, cum es.

Poëme sur Boèce, v. 97 et 98.

Là il contait du temporel, comme est;

De soleil et lune, ciel et terre, mer, comme est.

Si cum la nibles cobr' el jorn, lo be ma.

Poëme sur Boèce, v. 133.

Ainsi comme le brouillard couvre le jour, le bien matin.

Troub. Com. Cat. anc. Esp. anc. Port. anc. It. anc. Fr. Com.

It. mod. Come. Fr. mod. Comme.

Troub. Si com. Cat. Axi com. Esp. Así como.

Port. Assim como. It. Si come. Anc. Fr. Si com.

La préposition AB, employée dans le sens d' avec, comme le constate le serment de Louis-le-Germanique, n' est restée que dans la langue des troubadours et dans la langue catalane. (N. E. como si fueran distintas.)

Mais quoique AB n' ait pas été expressément conservé ou adopté par les autres langues néolatines, je dois dire que la préposition A, contraction évidente d' AB, quand elle offre le sens d' avec se retrouve dans ces langues. (1: (1) Voyez ci-après le Lexique roman, p. 3.)

N' était-ce pas aussi un habile remaniement de la langue latine que de former le verbe Retornar, employé deux fois dans le serment du peuple Français, dans le sens de ramener, détourner, en ajoutant l' augment RE au primitif latin tornare? (2: Voyez l' introduction contenant les preuves historiques de l' ancienneté de la langue romane, t. Ier du Choix des Poésies originales des Troubadours, p. IX.)

Ce verbe de la romane rustique retornar, a aussi été adopté par les six langues néolatines:

Troub. Retornar. Cat. Retornar. Esp. Retornar.

Port. Retornar. It. Ritornare. Fr. Retourner.

J' ai annoncé l' existence d' accidents grammaticaux qui prouvent que la langue romane rustique avait créé ou adopté des formes spéciales, des principes caractéristiques. J' indiquerai notamment quatre de ces accidents dont l' existence est constatée par les serments de 842.

1°. Il en est un qui paraîtra de peu d' importance; toutefois, uni aux autres preuves, il sert à les corroborer.

Dans mes travaux précédents (1) j' avais eu occasion d' énoncer que les prépositions DE et A, qui dans l' organisation de ces langues suppléent, par leur action, au défaut des désinences indicatives des cas, étaient souvent supprimées devant les noms propres, et on sait que cette

forme est long-temps restée dans la langue française, qui, aujourd'hui même, en conserve encore des vestiges dans les mots Fête-Dieu, Hôtel-Dieu, etc., etc., où DE est supprimé.

(1: Grammaire romane, articles. - Grammaire comparée, etc., pages 20-22.)

Cette forme spéciale se trouve dans les serments de 842.

Pro () Deo amur; DE supprimé;

() Cist meon fradre in damno sit; A supprimé;

Que () son fradre Karlo jurat; A supprimé.


2.° La rustique romane, en acceptant les mots latins, retranchait ordinairement la désinence: de l' infinitif en ARE, elle fit AR, signe caractéristique du présent des infinitifs de la première conjugaison: 
aussi on lit dans les serments, Salvar, Returnar.

3° Un des artifices grammaticaux de la nouvelle langue, fut de composer son futur de l' indicatif, en adaptant, à ce présent de l' infinitif, le présent ou la désinence du présent du verbe haver; avoir.

Salvar suivi d' AI, première personne du présent de l' indicatif du verbe Aver, produisit la première personne du futur dans Salvarai. (1)

Prindrai fut formé de la même manière de l' infinitif Prindre, et d' AI première personne du présent de l' indicatif d' aver. (2)

Je ferai remarquer que l' existence de ces deux futurs, dans les serments de 842, démontre que la conjugaison du verbe aver employait AI à la première personne du singulier, et il est sans doute permis d' en conclure qu' à cette époque ce verbe possédait sa conjugaison régulière, telle qu' elle s' est trouvée établie par les preuves que des citations d' ouvrages très anciens ont fournies.

En effet, dans des actes de 960 (3) on trouve:

La seconde personne du singulier en AS, daras;

La troisième personne en A, devedara;

La première personne du pluriel en EM, darem;

La seconde en EZ, commonirez;

La troisième en AN, absolveran.

(1) J' ai eu occasion de dire et de prouver que le conditionnel roman fut formé de la même manière, en joignant au présent de l' infinitif l' imparfait ou la désinence de l' imparfait du verbe aver.

(2) Et ainsi des autres personnes:

Sing. 2e. Salvaras.

3e. Salvara.

Plur. Ire. Salvaravem.

2e. Salvaravetz.

3e. Salvaran.

De même de prindre, prendrai, prendras, prendra, etc.

(3) Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 40 et suiv.


L' ancien français offre des exemples frappants de la forme primitive de ce futur, quand, au lieu d' aurai, aura, il dit averai, averad.

Celui qui l' averad troved.

Lois de Guillaume-le-Conquérant, art. VII.

Ou vuelle ou non, je l' averai.

Roman du Renart, Chabaille. Var., p. 182.

La langue des troubadours avait une sorte de futur composé an a far; 

l' espagnole dit encore ho a far, etc.

La langue portugaise, outre le futur ordinaire, avero, averas, etc. a conservé un futur composé:

Ho de aver, j'ai à avoir.

Has de aver, tu as à avoir.

Ha de aver, il a à avoir.

Si l' on m' oppósait que des langues néolatines terminent la première personne du futur au singulier, non par AI mais par È ou O, etc., je répondrais que cette circonstance même confirme le principe; car les langues n' ont pas HAI à la première personne du verbe aver (N. E. Lo chapurriau sí, hai o hay + partissipi), mais HÉ, HO, etc., etc.; ensuite elles prennent à la seconde et à la troisième, AS, A; en se conformant toujours à leur propre conjugaison du verbe aver.

L' existence des deux futurs contenus dans les serments de 842, permet donc d' admettre qu'à cette époque les règles des conjugaisons des verbes, et surtout celles du verbe aver, étaient établies, connues et observées.

4°. Mais la circonstance qui, dans les serments de 842, achève de constater l' existence parfaite de la langue romane rustique, c'est d' y trouver son caractère le plus essentiel, sa forme la plus spéciale, le signe qui dès lors distinguait le sujet du régime par la présence ou l' absence d' un S final.

On y remarque:

Sujets. Régimes.

Deus, Deo.

Loduuigs, Loduwig.

Karlus, Karlo, Karle.

Meos, Mon, meon.

Neuls, Nul.

Aucun S final n' accompagne les autres mots employés comme régimes, amur, salvament, xristian, fradre, dreit, Ludher, plaid, vol, sagrament, etc.

Ai-je besoin d' insister sur les conséquences qu' on peut tirer de l' existence de cette règle avant 842? Qui ne serait convaincu de l' ancienneté de la langue rustique primitive, quand on reconnaît que, dès cette époque, elle employait un mécanisme aussi simple et aussi ingénieux, et surtout aussi utile à la clarté du discours?

Tels sont les signes principaux qui révèlent dans les serments de 842 l' existence d' une langue déjà formée, soumise à des principes constants et à des règles fixes.

Ces serments contiennent cent quatorze mots.

Quatre-vingt-cinq (1) appartiennent à la romane rustique primitive, puisqu' ils se retrouvent dans une ou plusieurs des langues néolatines.

(1) En voici les preuves:

Deus, Deo.

Les troubadours avaient Deus, sujet; et Deu, régime.

Anc. Port. Qual dona Deus fez mellor pareçer?

Canc. do coll. dos Nobres de Lisboa, p. 58.

Anc. It. Deo, voce che s' incontra frequente negli antichi, sebbene non

sia per lo più in uso presso i moderni:

Sol per servire alla magion de Deo.

Guitt. d' (Arrezzo) Arezzo, Not. 371, p. 274.

Amur.

Anc. Fr. Ai-jo vers Deu greignur amur.

Marie de France, t. II, p. 412.

Et, Et, Et, Et, Et, Et, Et (1: Je crois devoir répéter les mots aussi souvent qu'ils se rencontrent dans les serments), a été employé dans toutes les langues néolatines; quelques unes, celle des troubadours, l' ancien français, l' italien, ont parfois supprimé le T, surtout devant une consonne; l' ancien catalan et l' ancien espagnol disaient E, et; ensuite ces langues ont adopté en place la conjonction Y (N. E. o I).

Xristian, de christianus, latin. Voilà une opération de la langue romane rustique sur la langue latine. Ce mot a été formé par le retranchement de la désinence latine, caractéristique du cas.

Les troubadours ont toujours employé christian.

Le catalan employa cristiá, l' A accentué équivalant à AN; l' espagnol,

le portugais, l' italien, ont seulement ajouté l' O final euphonique, qui

a produit christiano (N. E. cristiano).

L' ancien français conserva long-temps, surtout dans le style de la

chancellerie, le type primitif de la romane rustique. On lit encore

dans les ordonnances de Louis XI:

Nostre dit Saint Père, comme bon père, et pasteur du peuple chrestian.

Ord. des Rois de France, 1478, t. XVIII, p. 425.

Poblo. L' ancien espagnol employait ce mot, qu' il a depuis modifié en pueblo.

Voyez le Fuero juzgo, passim, et le Glosario de Voces antiguadas (anticuadas), etc., qui est à la suite.

Nostro.

Anc. Esp. It. Nostro.

Commun, de communis, latin. La langue rustique l' avait modifié en

commun par le retranchement de la désinence latine.


Troub. Comun. Cat. Esp. Commun (comú; común). Port. Commum. 

It. Commune. Fr. Commun.

Salvament. J' ai déjà fait observer que ce mot était le produit d' une

opération systématique de la langue romane primitive.

La langue des troubadours, le catalan et le français conservèrent * cette désinence; le français, dans ce mot, ainsi que dans beaucoup d' autres, changea l' A intérieur en E, l' espagnol, le portugais, l' italien, joignirent à MENT la finale euphonique O.

D', DE. DE, latin, fut adopté par la langue des troubadours, par le français, le catalan, l' espagnol, le portugais, et même par l' italien, qui aujourd'hui emploie di; mais jadis il avait employé DE.

Quoique les dictionnaires de la langue italienne n' indiquent pas cette particularité, elle est constatée par des exemples tirés des auteurs anciens.

Lo cor fu paventato

De la sua annunciata.

od. VI.

Ma de la temperanza e pietate

La misericordia sì e nata.

Jacopone da Todi, cant. II.


IST, CIST, CIST.

Ist, d' iste, latin; cist, d' hiciste, latin.

La langue des troubadours adopta ist, est.

Cette même langue, et celle des trouvères, conservèrent cist, et employèrent cest.

Les anciens écrivains italiens, entre autres Dante et Pétrarque, se sont servis d' ESTO, d' ESTA, mais on a prétendu, et le Tasse lui-même a partagé cette erreur (1: Dans ses annotations sur Dante.), qu' ESTE était la sincope de questo.

Il est évident qu' ESTO, italien, venait d' ist des serments de 842.

Le Vocabolista bolognese, p. 146 (2: Gio. Antonio Brunaldi, Vocabolista bolognese. Bologna, 1660, in-12.), cite d' anciens vers où on trouve:

Perch' egli è re del popol d' esto regno.

Ainsi, il faut admettre que l' italien avait conservé cet esto comme la langue des troubadours et les autres langues de l' Europe latine.

Troub. Ist, est, cist, cest. cat. Est. Esp. Port. Este, isto.

It. Esto, questo. Fr. Cist, cest.

Di, de Dies, latin, resté dans la langue italienne, se trouve dans l' ancien français; les troubadours ont employé DIA. Il ne paraît pas invraisemblable que le passage du serment DI EN eût subi en DI l' élision de l' A, Dia en; mais je renonce à ce qui n' est que conjectures, quelque fondées qu' elles paraissent.

En, de IN, latin.

Ici la langue rustique romane a elle-même changé l' I en E.

Toutes les langues néolatines adoptèrent cet EN.

Troub. Cat. Esp. En. Port. Em. Anc. It. Fr. En.

Les grammairiens et les lexicographes italiens ont reconnu que l' ancien italien usait d' EN au lieu d' IN; ce qui n'est pas surprenant, puisque EN et IN sont également employés dans les serments. Mais il est á remarquer, au sujet d' ist di EN avant, qu' EN est mêlé dans une phrase formant un adverbe composé; ce qui permet de croire que cet EN était très ancien dans la romane rustique.

Vedi da che sei indulto

En ogni opra que vuoi fare.

Jacopone da Todi, lib. II, cant. 30.

En questa gloria di mala ventura.

Jacopone da Todi, lib. V, cant. 23.


Avant.

Troub. Cat. Avant. Anc. Esp. avante. Anc. Port. Aván. Fr. avant.


In, in, in, in, in, in.

On trouve dans le poëme sur Boèce:

Tot a in jutjamen. (v. 17.)

Tout a en jugement.

IN est resté dans la langue italienne.


Quant.

Troub. Cat. Quant. Esp. Port. It. Quanto (cuanto). Fr. Quant.


Mi, Mi.

Troub. Cat. Esp. Me, mi. Port. Me, mim. It. anc. Fr. Me, mi.

Fr. mod. Me, moi.


Si, si, adverbes d' affirmation, de SIC.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Si. 

(N. E. No olvidar el oc, òc, och, hoc afirmación)

Si, si, conjonction conditionnelle, du latin SI.

Troub. Cat. Esp. Si. Port. It. anc. Fr. Se. Fr. mod. Si.


Salvarai, salvar. Deux formes grammaticales essentielles de la langue rustique romane, dont il a été parlé page XI.


Eo, Eo, d' Ego,

L' ancien italien a employé EO, comme la langue des troubadours,

et le portugais EU.

In questa gente ch' EO descrivo adesso...

Barberini, Docum. d' amore, p. 35 et 107.

Ce serait ici le lieu de comparer quelques uns de ces quatre-vingt-cinq mots de la langue romane rustique avec les analogues des anciennes langues germaniques et des divers idiômes du Nord; j' ose croire qu' il en résulterait sans doute des rapports curieux, et peut-être d' utiles éclaircissements sur les origines de plusieurs des langues européennes.

Je me borne à constater un fait grammatical qui me semble de haute importance. 

J' ai prouvé que la romane rustique et toutes les autres langues néolatines ont admis le substantif indéterminé, HOM, om, on, d' homo, latin, pour exprimer une généralité de personnes.

Cette forme grammaticale a existé aussi très anciennement dans les langues germaniques et dans celles du Nord.

Le dictionnaire d' Alberti dit expressément d' eo, “che si trova frequentemente negli antichi poeti.”

Fradre, fradre, fradre, du latin fratrem.

Troub. Fraire. Cat. Frare. (N. E. chapurriau flare.)

Anc. Esp. Los fradres de la casa, omes bien acordados.

V. de S. Millán, cop. 351.

It. Frate. Fr. Frère.


Karlo, Karlo, Karle, de Karolus, latin.

Troub. Cat. Carle (Karles). Esp. Port. It. Carlo. (Carlos) Fr. Carle.


Ajudha, ajudha. Voyez page IV.


Cadhuna, j' ai déjà dit que c'est un mot hybride de la romane rustique, Voyez page VII.

Troub. Cada us. Cat. Cada hú. Esp. Cada uno. Port. Cada hum.


Cosa, du latin causa. Il est resté en italien.


Cum, de quomodo. Voyez page VIII.


Om, d' homo. Voyez p. VI.


Per, du latin per. Cette préposition a été adoptée par les troubadours, par la langue catalane et par la langue italienne.

On la retrouve dans l' ancien espagnol:

Fablar curso rimado per la quaderna via...

Cuemo se partet mundo per treb particion.

Poema de Alexandro, cop. 2 et 254.

Voyez le Glosario de Voc. antig., placé après le Fuero juzgo.

Anc. Port. Per flechas que eron lançadas.

Coronica del re D. Joanno, part. II, p. II.

Port. mod. Pera.

Au reste, on lit dans Paul Orose (Paulo Orosio), lib. VII:

Ante biennium romanae irruptionis, excitatae PER Stiliconem gentes

Alanorum. (N. E. alanos)

Et dans la Chronique d' Idace:

Superatis per Aetium in certamine Francis...

De Africa per Placidiam evocatus.

Rec. des Hist. de Fr., t. 1, p. 597 et 617.


Dreit, du lat. directum.

Troub. Dreit. Cat. Dret. Esp. Derecho. Port. Diricto. It. Dritto. Fr. Droit.
(N. E. aragonés dreito, dreyto; ver drecho)


Son, son, de suum.

Troub. Cat. Son. Anc. Esp. So. (moderno su)

Mandato de so señor todo lo han a far. Poema del Cid, v. 434.

L' italien a aussi employé so.


O, d' hoc, latin; cela, le.

La langue des troubadours a conservé cet o.

On le retrouve dans l' ancien portugais:

Que assi o provaria.

Doc. de 1315. Elucidario, t. I, p. 451.


Il, lo, l', li, substantifs relatifs.

Il, d' ille, est resté dans le français comme sujet, et a été employé parfois en italien comme régime.

Lo, l', s' est retrouvé dans toutes les langues néolatines.

Troub. Cat. Esp. Port. It. anc. Fr. Lo.

D' une part, ce conseil lo trait...

Que c' il tainent lo chapelain,

Il lo metront en mal pelain.

Nouv. rec. des fabl. et cont. anc., t. 1, p. 116 et 117.


Li, du latin illi.

Troub. Li. anc. Esp. Lli. It. Fr. Li.


Altresi. Voyez page VIII.


Ab. Voyez page IX.


Ludher, régime venant du latin Lotharius. (N. E. Alemán Luther, Lutero)


Nul, nulla, du latin nullus.

Troub. Cat. Nul. It. Nullo. Fr. Nul.

En cette acception, nul manque à l' espagnol et au portugais.


Plaid. Voyez pages V et VI.


Prindrai. Voyez page XI.


Qui, que, cui, du latin qui, quem, cui.

Qui, cui ont été conservés du latin.

Troub. Qui, cui, que. Anc. Cat. Que. Esp. Qui, que.

Port. Que. It. Che, cui, que. Fr. Cui, qui, que.


Vol, de l' indicatif du verbe volo.

Ce substantif, conservé par les troubadours, a été aussi adopté par

l' ancien français.

Troub. Don ieu dic que escurols

Non es plus lieus que sos vols.

R. de Tors de Marseille: Ar es dretz.

D' où je dis qu' écureuil n' est pas plus léger que sa volonté.   

Anc. Fr. Incontinent à son vueil obéirent.

Salel, trad. de l' Iliade, p. 127.


Loduuigs, Loduwig. Voyez page XIII. (Ludwig, Luis, Louis; Ludovico)


Sagrament, de sacramentum, conservé par les troubadours, le catalan et le français, avec la finale ment; et par les autres langues, en ajoutant à ment l' o euphonique.


Part, de l' accusatif latin partem.

Troub. Cat. Part. Esp. Port. It. Parte. Fr. Part.


Non, non, négation adoptée par toutes les langues néolatines.

Troub. Non, no. Cat. No. Esp. Non, no. Port. Não. It. Non, no. 

Fr. Non.


Jo, jo. Jo a été français et italien, yo espagnol (N. E. y catalán antes de Pompeyo Fabra). L' O, changé en EU, a produit chez les troubadours ieu, eu, et chez les Portugais eu; et depuis, changé en E, je dans la langue française.

Returnar. Voyez pages IX et X.


Ne, ne, de Nec, ni, latins, a été adopté par l' ancien provençal, par le français et par l' italien.

L' ancien espagnol l' avait employé:

En sacos ne en guilmas non podian caber.

Poema de Alexandro, cop. 1400.


Contra, du latin contra.

Adopté par toutes les langues de l' Europe latine, le français ayant seul changé l' A en E.


Le mot MAN, homme, a eu dans ces idiômes l' acception générale, et de plus l' acception particulière de substantif indéterminé.

Cette double acception se trouve dans l' anglo-saxon, dans le gothique d' Ulphilas.

Wachter, Gloss. germ., pense que cette forme a été fournie aux langues du Nord par la langue gothique. On trouve dans la traduction des Évangiles, par Otfrid:

Za nuzze grebit man ouh tar.

Ad utilitatem fodit homo quoque ibi,

Otfrid, Evang., lib. I, cap. 1, v. 137.

Voyez Ihre, Gloss. suio-gothic.

En danois, en suédois, en hollandais, en allemand (Mann; English man), MAN, substantif masculin, a conservé l' acception générale d' homme et l' acception particulière donnée à ON, roman. (N. E. alemán, man sucht, se busca, man macht, se hace, man weißt es nicht, no se sabe, etc.)

Je crois avoir prouvé que quatre-vingt-cinq mots des serments appartiennent à la romane rustique primitive.

Quant aux mots restants, 1°. il s' en trouve cinq purement latins. (1: Pro, pro, quid, damno, sit.)

2°. Cinq autres n' entrent dans aucune des classifications que j'ai indiquées; ils ne sont ni romans, ni latins. (2: Dist, doit; fazet, fera; stanit, tient; sendra, seigneur; iver, j' irai.)

3°. Dix-neuf mots peuvent, avec la plus légère modification, être comptés parmi ceux de la langue romane. (3:

Dunat, changé en dona par le changement de l' U en O et par la

suppression du T final.

Conservat, conserva,

Jurat, jura.)


Cette suppression en fait des troisièmes personnes du singulier au présent de l' indicatif roman.

Troub. Cat. Esp. Port. It. Dona, conserva, jura.

Le français a changé l' A final roman en E muet: donne, conserve,

jure.

Nunquam: il suffit de retrancher l' m.

Mica nonqua la te. Poëme sur Boèce, v. 14.

Mie jamais la tient.

Troub. Nonca. Cat. anc. Esp. Port. Nunca. Anc. Fr. Nonques.

Karlus, roman Carles (N.E. como Karles Puigdemont.).

Savir, podir; par une légère transmutation, saber, poder.

Troub. Cat. Esp. Port. Saber, poder. It. Sabere, potere. Anc. Fr. Saver, poer.


Meon, meon, meon.

Troub. Fr. Mon. (N. E. en chapurriau tamé: mon pare, mon germá, etc.)


Meos.

Troub. Meus. (N. E. en chapurriau tamé; estos llibres son meus.)


Fradra. Voyez page XVII, fradre.

Suo.

Troub. Sua.


Int, d' inde, latin.

Troub. Ent.

Ella 's ta bella reluz ent lo palaz. Poëme sur Boèce, v. 162.

Elle est si belle que le palais en reluit.

Anc. Esp. El non quiso ende parte nin óvo della cura. 

(óvo, ovo: hubo, tuvo)

Poema de Alexandro, cop. 1294.

Estaban maravilladas ende todas las gentes.

V. de Santa Oria, cop. 7.


Pois, pois, du latin possum.


Neuls, du latin nullus.

On a vu précédemment nul, nulla.

Nun, de non, latin.

Le véritable mot roman NON se trouve dans le serment du peuple français.


On ne saurait trop regretter qu' un document beaucoup plus considérable que les serments de 842 ne nous ait été transmis que dans une traduction latine, qui du moins constate son existence en romane rustique; je veux parler des allocutions que firent, en cette langue, Charles-le-Chauve et Louis de Germanie son frère, lors du traité de paix qu' ils conclurent en 860 à Coblentz (Koblenz, Coblenza), où ils avaient réuni des princes de leur famille, des évêques, des grands et leurs fidèles. On jugera aisément que les expressions de ce précieux document auraient confirmé ce que je dis sur l' existence et l' état de la langue romane au IXe siècle, et auraient fourni à mes assertions de nouvelles preuves et de nombreux développements.

Le roi Louis parla d' abord en langue théotisque; (1: Cette allocution fut longue, elle est traduite dans les capitulaires.

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 141, 142, 143, 144.) 

Charles répéta la même allocution en langue romane. (2: Haec eadem domnus Karolus romana lingua adnuntiavit. Baluzio, Capit. Reg, Fr., t. II, col. 144.)

Louis de Germanie dit ensuite à son frère en langue romane: 

“Maintenant, si vous le voulez bien, je désire avoir votre parole au sujet de ces hommes qui me firent hommage de fidélité.” (3: Post haec domnus Hludouvicus ad domnum Karolum fratrem suum lingua romana dixit: “Nunc, si vobis placet, vestrum verbum habere volo de illis hominibus qui ad meam fidem venerunt.” Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.)

Et le seigneur Charles dit à haute voix en langue romane:

“Quant à ces hommes qui se conduisirent envers moi comme vous le savez, et vinrent auprès de mon frère, tous les méfaits dont ils se rendirent coupables envers moi je les pardonne à cause de Dieu et pour

son amour, et afin d' obtenir sa grâce: je leur accorde les alleux qu' ils ont eus par héritage ou par acquêt et par donation de notre Seigneur,  exceptant ce que j' avais donné moi-même, s' ils me fournissent l' assurance qu' ils seront en paix dans mon royaume, et qu' ils y vivront comme des chrétiens doivent vivre dans un royaume chrétien, et cela si mon frère accorde également à mes fidèles qui ne commirent aucun méfait envers lui, et qui m' aidèrent, quand il en fut besoin, les alleux qu' ils possèdent dans son royaume. Quant à ces alleux, et même quant aux fiefs que les autres obtinrent de moi, j' agirai envers ceux qui reviendront à moi, sans prendre d' engagement à cet égard, d' après ma volonté, comme je le déterminerai mieux avec mon frère.” (1)

Enfin Charles parla encore en langue romane, exhorta à la paix, et exprima le voeu, qu' avec la grâce de Dieu, tous les assistants retournassent chez eux sains et saufs; il mit ainsi fin aux allocutions. (2)

(1) Et domnus Karolus, excelsiori voce, lingua romana dixit:

“Illis hominibus qui contra me sic fecerunt sicut scitis, et ad meum fratrem venerunt, propter Deum et illius amorem et pro illius gratia, totum perdono quod contra me misfecerunt, et illorum alodes de hereditate et de *conquisitu, et quod de donatione nostri Senioris habuerunt, excepto illo quod de mea donatione venit, illis concedo, si mihi firmitatem fecerint quod in regno meo pacifici sint, et sic ibi vivant sicut christiani in christiano regno vivere debent. In hoc si frater meus meis fidelibus, qui contra illum nihil misfecerunt, et me, quando mihi opus fuit, adjuvaverunt, similiter illorum alodes, quos in regno illius habent, concesserit. Sed et de illis alodibus quos de mea donatione habuerunt, et etiam de honoribus, sicut cum illo melius considerabo, illis qui ad me se retornabunt, voluntarie faciam.”

Baluzio, Capit. Reg. Fr., t. II, col. 144.

(2) Et tunc domnus Karolus iterum lingua romana de pace commonuit, et ut, cum Dei gratia, sani et salvi irent, et ut eos sanos reviderent, oravit, et adnuntiationibus finem imposuit.

Baluzio, Cap. Reg. Fr., t. II. Col. 144.

La traduction de ces diverses allocutions romanes a fourni plus de six cent cinquante mots latins, et il faut observer que tous les discours romans n' ont pas été traduits.

Voilà donc sept à huit cents mots romans dont l' existence au IXe siècle est constatée, et qui auraient sans doute fourni le moyen de compléter la démonstration qu'à cette époque cette langue avait déjà reçu la plupart

des développements et des genres de perfection qu' on a remarqués dans les langues néolatines.

Mais si ces preuves utiles, quoique surabondantes, manquent, il me sera permis de recueillir et de rapprocher celles que fournissent divers fragments de cette langue romane rustique à l' époque de 960. (1)

Dans le peu de mots qu' ils ont conservés, ces fragments offrent une correspondance intime avec le style des serments de 842, et il n' est pas possible de méconnaître l' identité des formes grammaticales et lexicographiques. (2: Choix des Poésies originales des Troubadours, t. II, p. 49 et s.)

Serments de 842. Actes de 960.

Substantif, Sagrament. Sacrament, p. 50.

Subst. et adj, Li. Li tolra, li devedara, p. 40, 42.

Relatifs. Lo, l'. Lo tornara, p. 40.

O. Non o farai, si o tenra, p. 46, 42.

Que. Que combatre, p. 41.

Que no las, per so que, p. 42, 43.

Adj. indét. Nul. Nul, p. 45.

Verbes. Salvar, returnar. Trobar, p. 46.

Salvarai, prindrai. Tolrai, vedarai, prendrai, p. 41.

Négation. Ne, non. Ne las, ne no, p. 45.

Préposition. Ab. Ab ti, ab te, ab els, p. 44, 43, 46.

Per. Per bataillia, p. 41.

Ajouterai-je qu' il a existé, conformément aux conciles de 813, des homélies, des discours, qu' adressaient au peuple les ministres de la religion, expressément chargés dé prêcher en romane rustique

(1: Homelias quisque aperte transferre audeat in rusticam romanam linguam. Labbe, Concil. de 813, t. VII, col. 1263.)

Mais à défaut de ces documents qui expliqueraient et démontreraient toujours plus évidemment les principes ingénieux, les regles simples et habiles qui présidèrent à la formation et au développement de la romane rustique, on peut établir et indiquer avec succès la comparaison et les rapports des diverses langues néolatines; oui, l' homogénéité de leurs imitations de la langue latine, l' unité méthodique des modifications qu' elles ont ou faites ou acceptées comme de concert, fourniraient à elles seules la preuve incontestable de leur unité, et de l' existence d' un type primitif intermédiaire, d' après lequel chaque langue paraît avoir développé, ou plus tôt ou plus tard, les moyens communs à toutes, en marquant son individualité par des formes spéciales, des particularités caractéristiques.

Tableaux

sábado, 11 de noviembre de 2023

Tome sixième, Grammaire comparée. Chapitre VII. Adverbes, prépositions, conjonctions.

Chapitre VII.

Adverbes, prépositions, conjonctions.

Raynouard, choix, poésies, troubadours, kindle

Avant de comparer en détail les adverbes, les prépositions et les conjonctions qui offrent des rapports d' identité dans les diverses langues de l' Europe latine, j' examinerai les adverbes qui ont la désinence spéciale MENT.

Une forme de ces langues par laquelle le caractère d' un type primitif et commun se manifeste de la manière la plus évidente, c' est sans doute la formation de ces adverbes composés, qui, par l' adjonction de la désinence MENT ou MENTE au féminin des adjectifs, les modifie en adverbes.

Dans les éléments de la grammaire avant l' an 1000, j' ai expliqué comment cette forme avait été empruntée à la langue latine.

La langue romane a employé MENT, et le français l' a conservé.

Le portugais et l' italien (1: Les patois de la haute Italie rejettent l' E final.) ont pris l' E final euphonique, et ont ainsi ajouté MENTE au féminin des adjectifs. 

Il existe des preuves nombreuses que l' ancien espagnol se servait du MENT roman.

El te Deum laudamus fue altament cantado. Mil. de N. Sra, cob. 847.

En el fuego bravament encendido. Mil. de N. Sra, cob. 363.

Empezó a plorar tant aturadament. Vida de S. Domin., cob. 392.

La fonta que ficiéron carament la compraban. Vid. de S. Millán, cob. 444.

Estaba el cativo durament espantado. Vida de S. Domin. cob. 654.

Empezó la á lidiar muy denodadament. Vid. de S. Millán, cob. 290.

Respondienle las virgines dulcement organando.

Vid. de S. Domin. cob. 524.

De escura manera escurament dictadas. 

Poema de Alexandro, cob. 1106.

Fueron con estas nuevas ferament espantados.

Vid. de S. Millán, cob. 411.

Empezó de sus ojos gravement a plorar. Mart. de S. Lor. cob. 63.

Desmassen en agosto lealmient su cevera. 

Vid. de S. Domin. cob. 464.

Derramaba lo suyo largament é sin tiento. Mil. de N. Sra, cob. 629.

Como qui yace preso luengament en cadenas.

Vid. de S. Domin. cob. 415.

As todas tus yentes malment aontadas. Poema de Alexandro, cob. 442.

Conduchos adovados maravillosament. Mil. de N. Sra, cob. 699.

Ca era grand facienda noblement celebrada. Mil. de N. Sra, cob. 701.

Ixie á los de fuera ondradamient guarnido. Sacr. de la Misa, cob. 137. 

El palacio bien rico ricament parciado. Poema d' Alexandro, cob. 2444.

Sirvieli un ministro santamient doctrinado. Vid. de S. Millán. cob. 144.


On trouve aussi dans le Fuero Juzgo la preuve de l' emploi de cette désinence romane. De nombreuses variantes, fournies par quelques manuscrits, présentent plusieurs exemples; le manuscrit de l' Escurial n° 3 prend MENT dans tous les adverbes composés. (1) 

Dans quelques Fueros on en trouve aussi des exemples. 

Non-seulement les langues de l' Europe latine ont formé l' adverbe composé par l' adjonction caractéristique de MENT, mais encore lorsqu' elles ont employé deux ou trois adverbes rapprochés, elles n' ont placé quelquefois le signe adverbial, MENT, qu' à la suite de l' un des adjectifs. Je crois convenable d' ajouter quelques exemples à ceux qui ont été fournis dans les éléments de la grammaire romane avant l' an 1000.

(1) “Esc. 3. Mansamient y con esta terminación constantemente se escriben los adverbios en MENTE como piadosament, etc.”

Fuero Juzgo, I, I, not. var. 34.


Roman.

Mans Roger Bernatz parla suau e dousament. G. de Tudela.

Dona non deu parlar mas gent

E suau e causidament...

Anatz suau e bellament.

Anonyme: Seinor vos que.


Mostret lur grans reliquias

Qu' avia lonc temps guardat

Sanctament e devota.

Vid. de s. Honorat, XVII.

E Guarintz respondet

Follament et irada.

Vida de S. Honorat, XLVI. 

“Els fan lo humiliat fenchament e falsa.”

Libre de Vicis e de Vertutz.


Français:

Cette forme se trouve, mais rarement, dans les anciens auteurs français. 

Son chief trecie moult richement, 

Bien, et bel et estroitement. 

Roman de la Rose, v. 502.


Espagnol:

Los trata cortes y amigablemente.

Cervantes, D. Quix. l. 2, c. 12.


Franjas texidas bella y sutilmente. Luis de Léon, prov. de Salomón, v. 75. 


Portugais: 

“Onde sotil é artificiosamente estava lavrada e esculpida toda a maneira de sua vida.” Palmeirim de Inglaterra, t. 1, p. 131.


Italien: 

“Non vederete antica o novamente esser divenuto.” 

Guit. d' Arezzo, lettr. XIV, p. 42.

“Quanto prudente e giudiziosamente n' ammaestró Aristotile.” 

Ben. Varchi, Ercolano.


Les langues qui primitivement employaient des adjectifs communs auxquels ne s' attachait pas la désinence caractéristique du féminin, avaient formé leurs adverbes composés avec ces adjectifs. Quand elles admirent ensuite les différences de genre, plusieurs adverbes conservèrent l' invariabilité de l' adjectif qui entrait dans leur composition. L' ancien français en fournit beaucoup d' exemples. 

J' en citerai quelques-uns.

“Si le vestent imperialment.” Villehardouin, p. 73.

Loyalment et bien l' amera. Fabl. et Cont. anc., t. 4, p. 66.

“N' a pas grantment és chroniques lisoye.” 

Œuvres d' Alain Chartier, p. 261.

Li chevaliers lui dist brefment. 

Marie de France, t. 2 p. 432.

Qui peche mortelment, il ocist Dieu son mestre.

Testam. de J. de Meung.

“Que tu n' aies souffert paines en la sainte croiz corporelment pour nous.” Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de France, t. V, p. 275.) 

“Se rebellerent contre li trop cruelment.” Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 310.) 

“Que il se dampnent perpetuelment.” Chron. de France. (2: Ib. t. V, p. 286.)

Quel duel ont li loial amant

Que l' en refuse si vilment.

Roman de la Rose, v. 1474.

“Et pourtant rencontra fort gentilment le philosophe Arcesilaus.”

Amyot, Trad. de Plut. œuvres mor. t. IV, p. 234.

Sire, li miens Deus, magnifiez iez fortment.”

Trad. du ps. 103, psaut. de Corbie.


L' adverbe composé gentiment est resté dans la langue française.

A ces observations sur les adverbes j' ajouterai que toutes les langues dont j' examine les rapports ont admis et conservé l' usage de la langue latine qui employait souvent l' adjectif neutre comme adverbe; ainsi on dit, frapper fort, parler bas, etc.

Dans la comparaison de quelques adverbes, prépositions et conjonctions dont l' usage est commun aux langues de l' Europe latine, je me bornerai à un choix, qui, par l' évidence des rapports identiques, prouvera d' une 

manière toujours plus incontestable, l' origine, la formation commune de ces langues.


Principales prépositions communes aux langues de l' Europe latine.

Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien.

A, à, á (a) a, a.

De, de, de, de, de.

En, en, en, en, en.

Per, per, per (por) per, per.

Avan, avant, avant (ante) avante, avante.

Entre, entre, entre, entre, entro.

Aprop, apres; après, auprès; apres (después); apres, apresso. 

Sobre, seure, sobre, sobre, sopra, sovra.

Senz, ses, senes; sans, sens; senes, sen (sin); sem, senza. 

Segun, second, selon, segunt, según, secundo, secondo.

Pos, pois, pueis; puis; pues, pos, poi.

Fors, foras; fors, foras, for. 

Oltra, ultre, ultra, ultra, oltra.


A. 

La préposition A se trouve dans toutes les langues de l' Europe latine.

Il serait superflu de comparer les diverses acceptions dans lesquelles elle est employée.

Mais il est une acception particulière qui mérite d' autant plus de fixer notre attention, qu' elle n' a pas été fournie par la langue latine.

Pour exprimer le sens de la préposition CUM, latin, avec, français, la langue des troubadours employait ordinairement la préposition AB, modifiée quelquefois en A et restée, sous cette dernière forme, dans les autres langues.

Ce vestige roman est un des plus remarquables; en voici des exemples.


Français:

“Les prophètes ki d' amunt vendrunt a estrumens, psaltérie, tympans, frestels e harpe, si prophetiserunt.”  Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 11.

Poi me porrai mès soustenir

Fors A baston ou A potence. 

Roman de la Rose, v. 12949.


“La verge, li ceptres de ton regne A que tu baz et chasties cels que tu eimes.” Com. sur le psalt. Fol. 95. (1: Glossaire sur Joinville, A.)

“Et furent reçu A grant feste et A grant joie.” Villehardouin, p. 21.

Deduistrent soi privéement

AU bon vin cler et AU piment.

Le Castoiement, cont. 9.

Son vis A ses ongles depiéce. 

Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 126.

“Vez-cy ung vaissel d' argent plain d' ung merveilleux boire que j' ai fait A mes mains.” Roman de Tristram.

A deul et A corroux se part. Fabl. et Cont. anc. t. 4, p. 325.

“Il fut recueilly A grand gloire et grand obéissance.” 

Comines, liv. I, p. 91.

Dechire l' ennemi AUX ongles et AUX dents.

Joachim du Bellay, fol. 186.

“Sans que nulle autre ville ou pays puissent ne doyent draper AU semblable marque et lisiere.”

Ordon. des Rois de France (1435), t. 3, p. 31.

“Il faisoit lors gloire envers ces sages hommes là, de se passer A peu sobrement.” Amyot, trad. de Plut., œuvres mor. t. 3, p. 51.


Espagnol: 

La cinta fue obrada a muy grant maestría. Poema de Alexandro, cob. 80.

Quien a hierro mata, a hierro muera. Refranes. (N. E. a hierro muere.)

Clamando: fiio, fiio, a una grand pressura. Duelo de la virgen. Cob. 36.


Portugais:

Vão correndo é gritando a boca aberta. Camõens, os Lusiadas, 4, 21.


Italien: 

“Un suo orto, che egli lavorava a sue mane.”

Boccaccio, Decameron, VIII, 2. 

Quai ingegno a parole

Potria agguagliar il mio doglioso stato?

Petrarca: che debb' io.

Bateansi a palme, e gridavan sì alto. Dante, Inferno, IX.

“Furo ricevuti tutti a grandissimo honore.” Giov. Villani, IV, 33, p. 96.


DE.

Cette préposition latine passa dans chaque langue et même dans l' italien qui aujourd'hui emploie DI.

On retrouve DE, devant les articles italiens LO, LA, GLI, etc., et même ailleurs.

Fu cantator de lo Spirito santo. Dante, Paradiso, XX.

Signor de la mia fine e de la mia vita. Petrarca, Sest. chi è fermato.

Sotto 'l velame de gli versi strani. Dante, Inferno, VI.

Ma de la temperanza e pietate

La misericordia sì ne è nata.

Jacopone da Todi, cant. 2, p. 95.

Eo Bonifacio de tanta potenza...

De mi dotaron et ebeno paura...

La strucion crudele de Florenza.

Butto Messo da Florentia. (1: Allacci, Raccolta de' Poeti ant., fol. 191.)

Che par florin d' or et è de recalco...

Sol cor de Bichina fosse diamante...

Amor mi fa envagir de si gran ladre...

S' altre de mi se fosse reclamato...

E de morir quando lo mar fie sico,

Falo deo per strazzo de mi esser sano.

Cecco di M. Angiolieri. (2: Ib. fol. 203 - 206.) 


EN.

La langue romane dit EN au lieu de l' IN latin.

Le seule langue italienne se sert encore d' IN, mais autrefois elle a employé EN ainsi que le français, l' espagnol, et le portugais, qui l' ont conservé.

“En le cose del seculo avere letitia.” Guit. d' Arezzo, lett. III, p. 15.

“Se tutto en auro è.” Guit. d' Arezzo, lett. XXXVI, p. 83.

“En li suoi vietò terrena grandezza.”

Guit. d' Arezzo, lett. I, p. 5.

En aspra e gran religione. Jacopone da Todi, lib. I, sat. I.

Li fusse offerto en cotal povertade. Jacopone da Todi, lib. 4, cant. 28.


PER.

L' ancien français a, comme la langue romane, employé PER dans l' acception que PAR exprime aujourd'hui.

“Une autre assaillie firent per une porte de fors... et de si grand essil furent torné à si grant haltesce per Dieu avant et per les pelerins après.” 

Villehardouin, p. 65 et 73.


Espagnol:

Luego vio per ù podría aver meior passada.

Poema de Alexandro, cob. 2342.

Fablar curso rimado per la quaderna vía.

Poema de Alexandro, cob. 2.

Cuemo se partel mundo per treb partición.

Poema de Alexandro, cob. 254.

Portugais: 

“Afinado toto per o afinador.” Doc. da Torre de Moncorvo, 1405. (1: Elucidario t. I, p. 385.)

E non forem per eles punidos. Liv. Vermeilho, n° I, p. 399.


La langue italienne a toujours employé PER. 


ENTRE. 

Cette préposition romane est la même en français, en espagnol et en portugais.

L' italien a seulement changé l' E final en O.


PROP, APROP, PRES, APRES, AUPRÈS.


Français:

Aprop Nerun l' emperur. Trad. de l' Évangile de saint Jean. (2: Cat. of Harleiam MSS., t. II.)


Espagnol:

Apres de la verta aviéron la batalla...

Apres son de Valemia á tres leguas contadas.

Poema del Cid, V. 1234 et 1567. (N. E. Valencia)

“Apres de la prenda... aquel otro á quien lo demanda vaya apres.” 

Fuero de Oviedo. (3: Llorente, not. de las prov. vasc. t. IV, p. 101 et 106.)


Portugais:

Apres de mim. Doc. de Vairam, 1287. (1: Elucidario t. I, p. 128.) 


SOBRE.

Le SOBRE roman se retrouve en espagnol et en portugais; il n' a éprouvé en italien que le changement de l' E final en A, et autrefois l' ancien français l' a modifié en SORE, SEURE, d' où est ensuite venu SUR.

Li troi larron sore li queurent. Fabl. et Cont. anc, t. I, p. 243.

Sire, fet-il, c' est par envie

Que l' en m' a mis seure telle œuvre.

Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 305.

“Defors et dedens et par de seure.” Fabl. d' Aucassin et Nicolette.


SENZ, SES, SENES.


Français: 

L' ancien français a dit SENZ. 

“Si nos volons estre membre de Crist il nos covient senz dotte ensevre nostre chief.” Sermons de S. Bernard, fol. 16.

“SENZ ce que la voix des deux estats puisse conclure la tierce... SENZ aucun suspeçon.” Ordon. des Rois de France, 1355, t. III, p. 22.

Deigne tu, Sire, en cest jor, SENZ pechié nus garder.

Trad. du Te deum, psaut. de Corbie.


Espagnol: 

L' ancien espagnol avait employé SENES, SEN, romans.

Oviera senes dubda tomada mala zaga. Poema de Alexandro, cob. 518.

Como tierra sen rey é sen octoridat. Poema de Alexandro, cob. 1399.

SEN se trouve dans le Fuero Juzgo.


Portugais:

Le portugais a dit SEN, SEM, qu' il a conservé.

Italien: 

Il est évident que le senza italien a été emprunté du SENZ roman, en y ajoutant l' A final; car comment de SINE, latin, serait venu ce SENZA?


SEGUN.

Français: 

L' ancien français a employé SEGONT qui ensuite a été remplacé par SELON.

L' en doit fere le dépens segont le chastel.

Livre de Jost. et de Plet, fol. 63. (1: Glossaire sur Joinville, C.) 


Espagnol:

L' ancien espagnol a dit segunt, segund. (según) 

Mandó les que mostrassen segunt las escrituras.

Poema de Alexandro, cob. 1159.


POS, PUS, POIS.

Français:

D' après l' usage roman, l' ancien français a employé PUIS comme préposition dans le sens actuel de DEPUIS.

Puis cèle heure que elle obei à son creatour. Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 153.) 

Puis Roullant, ne puis Olivier,

N' eut en terre tel chevalier.

Roman de Rou. (2: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. V, p. 70.)

Il prit de même le QUE conjonctif:

Mil ans, quatre moins ont passez

Puis que Dex fu en terre nez.

Roman de Rou. (3: Ib. p. 55.)

Espagnol: 

L' espagnol qui n' emploie aujourd'hui que PUES a employé autrefois POS et POIS roman qu' on trouve notamment dans le Fuero Juzgo. Il a aussi ajouté le DE avant POIS et l' a employé avec le QUE conjonctif et quelquefois même ce QUE est sous-entendu, comme dans la langue 

romane et dans l' ancien français.


Portugais:

L' ancien portugais a dit aussi POS, DEPOS. 

Huums depos outros. Doc. da Coll. de Coimbra, 1348. (4: Elucidario t. II, p. 89.) 

Le portugais a ajouté à DEPOIS, le QUE conjonctif.


Italien: 

POI italien est venu de POS roman, comme NOI, VOI, sont venus de NOS, VOS; il prit le QUE conjonctif et quelquefois ce QUE fut sous-entendu.


FORS, FORAS.

Français:

Qu' il n' emporta nis tant d' avoir

Dont on presist quatre festus,

Fors les dras qu' il avoit vestus...

Que nus fors Diex ne le convoie.

Fabl. et Contes anc., t. I, p. 225.

Car une odor m' entra où cors

Qui en a trait la dolor fors.

Roman de la Rose, v. 3486.

... N' avoit soussi ne esmay

De nule rien, fors seulement

De soi atorner noblement.

Roman de la Rose, v. 575.


L' ancien français a dit DE FORS et ensuite DEHORS.

E s' el vous chastie de fors 

Aiés dedanz cuer d' aïment.

Roman de la Rose, v. 4020.


Espagnol:

L' ancien espagnol a dit FORAS, roman, et FUERA; aujourd'hui fuera est seul employé.

“Foras ende ena cuita de morte.” Fuero Juzgo, I, X, p. II. 

Fuera que el obispo avie la nomnadia... Mil. de N. Sra, cob. 706.

Non osan fueras exir nin con el se ajuntar. Poema del Cid, v. 1180.


Italien:

L' italien a employé autrefois FOR.

Punge corragio

For cui lo più valente ozio aunta.

Guit. d' Arezzo, lett. XXVII, p. 71.


OLTRA.

Français: 

“Ultre le flum jurdan.” Trad. du IIe liv. de Rois, fol. 42.

“Car la chars ne puet pas prendre les choses qui sont del espir, et pore ice à la fie quant la humaine pense ultre soi est meneie.”

Trad. des Dial. de S. Grégoire, liv. III, ch. 24.


Espagnol: 

Crusáron se romeros por ir en ultra mar. Mil. de N. Sra, cob. 588.

Que guía a los romeros que van en ultra mar.

Sacr. de la Misa, cob. 296.

Ultra portos est dans le Fuero Juzgo. 


Portugais:

On trouve aussi en portugais ultra mar.


Italien: 

“Oltra ogni vostro pensiero... oltra d' ogni misure.” 

Guit. d' Arezzo, lett. X, p. 27 et 28. 


Principaux adverbes communs aux langues de l' Europe latine.

Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien. 

Oi, ui, oi, hui, hoy, oi, oy, oi.

Ora, ore, heure, or; ora, ora, ora, or.

Dunc, adunc; dunc, adonc, doncas, ;dunqua, adunque. 

Ja, ja, ya, já, già.

Sempre, sempres, siempre, sempre, sempre. 

Tost, tost, tost, toste, tosto. 

Plus, plus, plus, chus, chus; plu, più, chiù. 

Mas, mais, mai; mais, más, mais, mas, mais; mai, ma.

Mens, moins, menos, menos, men.

Assaz, assez, assaz, assaz, assai.

Quasi, quasi, casi, quasi, casi, quasi. 

Tan, tant, tant, tan, tam, tanto.

Quan, quant, quant, cuan, quant, quan, quanto.

Si, si, si, si, sim, sì.

Altresi, altresi, otrosi, outrosi, altresì.

Tota via, toutes voies, todavía, toda via; tutta via.

Jos, sos, jus, sus, jus, suso, juso, sus; giuso, suso. 

Ont, on, unt, ond, onde, unde, onde. 

Dont, don, dunt, dont, dond, don, donde, donde.

O, u, ò, (o) hu, o, u.

Sai, ça, lai, la; çà, lai, là, acá, allá, çà, là, quà, là.

Hi, i, y, y, hi, y, hi, i, i, y.


OI, UI.

Français:

L' ancien français disait OI, UI, et HUY qu' il n' a ensuite employé que dans l' adverbe composé aujourd'hui. 

N' en partirez hui ne demain. Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 308.

“Qui hui cest jor vive.” Villehardouin, p. 16.

Guillaume bien se deffendi, 

Hui guaingna et hui perdi.

Roman de Rou. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. V, p. 71.)

Qu' il soit ainsi plustost huy que demain. Clément Marot, t. I, p. 333.


Portugais:

Le portugais dit hoje, mais il a employé autrefois l' OI roman.

Des OY pera todo sempre. Elucidario t. I, p. 370.


Italien:

L' italien, qui dit hoggi (oggi), a employé autrefois OI.

Tal mondo corre ancoi. Barberini, Doc. d' Am., p. 300. 



ORA.

Français:

“Barcinone est une cité qui siet en la marche d' Espaigne; une heure estoit des Sarrazins, et une heure estoit des Crestiens.” 

Chron. de France. (2: Recueil des Hist. de Fr., t. V, p. 246.)

Ore se sent fole, ore sage;

Ore pense qu' ele le volt amer,

Ore pense qu' ele s' en volt oster.

Roman de Protheslaus.

Car OR est clere, or est oscure.

Roman de la Rose, v. 4810.


Portugais:

“Mil libras d' esta moeda branca que ora corre.” Testam. De 1393. (1: Elucidario t. 1, p. 61.) 


Italien: 

Ciò che ora e nostro, altrui fù già.

Guit. d' Arezzo, lett. III, p. 13.

“Pensando ora una cosa, or' un' altra.”

Novelle inedite, p. 132.

“Or vide, or piange, or teme, or s' assecura.” 

Petrarca, canz: Di pensier.


DUNC, DONC, ADONC, DONCAS, ADONCAS.

Français: 

L' ancien français employa DUNC, DONC, ADUNC, dans le sens de TUNC, latin. (2: Voyez Cimbalum mundi, p. 191, 185 et 212:

Tunc exaltabunt omnia ligna silvarum:

Dunc loerunt tuit li fust de la lande.

Trad. du ps. 95: Cantate Domino, MS. n° I.)


Quant ele losenge et plore

Gar toi icele ore,

Kar dunc est en aguait.

Evrard, Hist. Lit. de la Fr., t, 13, p. 70.


S' ele l' eust adunc conéu, 

Retenu l' ust bonement.

Roman de Protheslaus.

Il se servit aussi de DONKES et d' ADONKES.


Espagnol: 

“Doncas faciendo derecho el rey, deve aver nomme de rey.” 

Fuero Juzgo, I, II, p. II.


Italien:

L' italien, qui dit aujourd'hui DUNQUE, a employé autrefois DUNQUA, roman.

“Dunqua di che pur piangi?” Guit. d' Arezzo, lett. XXXIX, p. 89.

Dunqua é in lor maggior virtu?

Barberini, Doc. d' Am. p. 81.

“Adonqua non peccato in richezze è.” Guit. d' Arezzo, lett. XXV, p. 66.


JA.

L' ancien français employa JA dans le sens de JAMAIS et de DÉJA, comme les autres langues.

Elle respondi à son pere:

Si m' aït Diex ne l' aurai ja. 

Ostez le moi cel vilain là...

Ja n' ere au vilain donée... 

Quar je me sui ja repentie 

D' avoir mari ainz que je l' aie.

Fabl. et Cont. anc. t. 3, p. 370 et 371.


SEMPRE.

On retrouve dans l' ancien français cet adverbe, qui est resté dans les autres langues de l' Europe latine. 

Ge gaiterai sempres le roi

Qant au mostier ira par soi.

Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 212.

Sempres est mol comme pelice. 

Fabl. et Cont. anc. t. 4, p. 390. 


TOST.

Il est d' autant plus remarquable que cet adverbe se trouve dans chaque langue, qu' il est difficile d' en expliquer l' origine. (1: On a prétendu que cet adverbe venait du participe latin tostus, et que le mot qui exprime la chaleur avait été emprunté pour peindre la rapidité. L' ancien français a employé la même figure lorsqu' il s' est servi de chalt pas, signifiant chaud pas, pour désigner la vîtesse, qu' il exprimait aussi par isnel le pas, c' est-à-dire rapide.

“E Samuel chalt pas vint à l' évesche.”  

Trad. du Ier livre des Rois, fol. 5.)

L' espagnol a employé autrefois TOST qu' il a ensuite rejeté.

(N. E. Se siguió usando presto, rápido)

Fue luego recapdado muy tost é corriendo.

Mart. de S. Lor. cob. 78.

Ovioronlos por forcia mui tost á conquirir. 

Poema de Alexandro, cob. 1043.


Le portugais a eu autrefois TOSTE.

“Para haverem seus servidores mais toste sem outro embargo.” Ord. Alf., liv. II, fol. 75.


PLUS.

Espagnol:

El otro plus vermeio que vino de Paralles.

Vida de S. Dom. cob. 230.

Vinien en dos caballos plus blancos que cristal.

Vida de S. Millán, cob. 438.

Chus fut employé pour plus.

Que li diessen cada año LX duennas en renda,

Las medias de lignaje, las medias chus sorrenda.

Vida de S. Millán, cob. 370.


Portugais:

L' ancien portugais a usé aussi de CHUS pour PLUS.

“Pera comprir delles mhas mandas e pera fazer chus prol de mha alma.” 

Testam. de 1273. (1)

“E se vinhas fizerdes dar de nos o quarto e lagaradiga e non chus.” 

Docum. de Pendorada, 1290. (2)

“E vos devedes a dar estas cousas bem e entregadamente e non chus.” 

Prozo das Salzedas, 1295. (3) 



Italien: 

“Perchè erano de li chiu poveri.” Mat. Spinelli. (4)

“Lo capo e lo chiu vecchio de la famiglia.”

Ann. di lud. Monaldesco. (5) 

(1) Elucidario, t. 1, p. 382.

(2) Ib. p. 273. 

(3) Ib. p. 405.

(4) Muratori, Rer. ital. Script., t. VII, col. 1093.

(5) Ib. col. 530.

Testo d' un' altra ch' è plu menutina. Barberini, son.

“Attemperanza la plu alta.” Tratt. Virt. Moral.

L' italien a changé l' L en I; et, supprimant l' S final, il a marqué l' U d' un accent grave qui indique cette suppression.


MAIS, MAS, MAI.

L' ancien français a souvent laissé à MAIS l' acception primitive de MAGIS, c' est-à-dire, plus, davantage.

De son ostel pou se mouvoit

Quar ne pooit chevauchier mais.

Fables et Cont. anc. t, I, p. 169.

Mais je ne puis MAIS haut crier. Fabl. et Cont. anc. t. I, p. 124.

Se gentis homs mais n' engenroit,

Ne jamais louve ne portoit

Et grant cheval ne fust jamais,

Tout le monde vivroit en paix.

Le Renard contrefait. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. V, p. 335.)

Il est resté dans la langue actuelle l' expression familière: N' en pouvoir mais, c' est-à-dire davantage.

Dans le Fuero Juzgo on trouve souvent MAIS.

L' espagnol et le portugais disent aujourd'hui mas. (más)

L' italien a MA et MAI.


MENS.

Italien:

Quegli che men sapevano di lui. Boccaccio, Decameron, IV, 5.

Almen, se puoi, farai. Barberini, Doc. d' Am,, p. 111 (o III). 


ASSAZ.

L' espagnol ne se sert plus d' ASSAZ, qu' il avait employé autrefois.

Assaz quisiera Dario en el campo fincar. (N. E. El rey de Persia Darío.)

Poema de Alexandro, cob. 1260.

Avie en el un monge asaz mal ordenado. Mil. de N. Sra, cob. 160.


L' ASSAI italien prouve que cette langue a souvent fait des modifications très importantes aux désinences des mots pour les accommoder à l' euphonie locale.


QUASI.

Cet adverbe est identique dans les diverses langues.


TAN, QUAN.

Espagnol:

De los sos oios tan fuerte mientre lorando. 

Poema del Cid, v. I.

Asi como yo las prendo de quant como si fóse delant.

Poema del Cid, v. 2147.



Portugais: 

Tam digna e tam necessaria. 

Chron. d' El Rey Affonso, V, t. I, p. 202.

E eu vi quan fremosa falava.

Canc. MS do real Collegio dos Nobres, fol. 67.


SI, ALTRESI.

Français: 

E si ne sai se j' en ai dit folie. Le Roi de Navarre, chans. VII. 

“Ensi com il fu devisé, si fu fait.” Villehardouin, p. 33.

Quant Diex dist qu' on amast son prisme comme si, 

Il ne dist mie mains ne plus, mès autresi.

Testam. de J. de Meung.

“Se devons garder que altressi ne nos aviegne.”

Villehardouin, p. 106.

Le blasmoient moult si ami

Et toute la gent autressi.

Fabl. et Cont. anc. t. 3, p. 1.


TOTA VIA. 

Français: 

“Mais toutes voies rapareilla-il bataille après contre eulz.” 

Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de Fr. t. III, p. 157.) 


Espagnol:

“Deve amar justicia, é si la amar, deve fazer la todavía.” 

Fuero Juzgo, II, I, 2.



Portugais:

“E todavia a ssa ordinhaçom seer estavil.” Doc. da Guarda, 1298. 

(2: Elucidario, t. II, p. 125.) 


Italien:

“Ma tutta via in somma dico voi che male è solo quello lo qual dispiace a Dio.” Guit. d' Arezzo, lett. I, p. 5. 


JOS, SOS. 

L' ancien français a employé JUS et SUS, romans.

Ses oilz turnat e sus e jus. Marie de France, t. 2, p. 439.

Li rossignols chante tant

Ke mors chiet de l' arbre jus.

Le roi de Navarre, chans. XV.

SUS est resté dans le composé DESSUS.


Espagnol:

“Avie de jus las peñas cuevas fieras sobeio.” Vid. de S. Millán, cob. 28.

Buscando suso et juso atanto andidieron.

(N. E. Suso, yuso, partes del monasterio de San Millán de la Cogolla. Arriba y abajo.)

Mil. de N. Sra, cob. 83.


Le composé DESUSO, DESUS, fut en usage.

Desuso las lorigas tan blancas como el sol. Poema del Cid, v. 3085.

Dessuso la loriga blanca cuemo christal. Poema de Alexandro, cob. 430.

A DESUS se trouve encore dans le dictionnaire de l' académie espagnole. 



Portugais:

“E des alri á juso...” Elucidario, t. 1, p. 350.

“De juso da sina do Miramolino.” (1: Europa Portuguesa, t. III, p. 378.) 

“Da quintaá aa suso... Assi como de suso dito é... E des hy á suso... 

De lo comaro á suso. Elucidario, t. I, p. 463; t. II, p. 223, 254, 397.


Italien:

E conoscan per uso

Quanto va suso e juso.

Barberini, Doc. d' amore, p. 258.


De JUS, SUS, romans, la langue italienne a formé GIU, SU, par la même modification qui de PLUS a fait PIU.


ONT, ON, DONT, DON.

Français: 

“A une viz par unt l' um muntad à l' estage meien.” 

Trad. du IIIe liv. des Rois, fol. 86.

Et cil li demande son nom

Dont il est et de quele terre.

Fabl. et Cont. anc., t. 4, p. 294.

“Voilà dont vient qu' il a tant escrit.” 

Amyot, Trad. de Plut., M. Cato, p. 454.


Espagnol:

Una visión vidó por ond fue confortado. Vid. de S. Domin., cob. 226.

Issió, como que pudo, ont jacie escondida. Mil. de N. Sra, cob. 401.

Al tercer día don yxó y es tornado. Poema del Cid, v. 945.


O.

Français: 

U? en cele tente. L' Ordene de Chevalerie.


Espagnol: 

Adelinó pora San Pero ó las duenas estan. Poema del Cid, v. 1400. 

En la carrera ó los omnes suellen passar. Fuero Juzgo, VIII, IV, 23.


Portugais: 

“Estar nos lugares hu vos mandaredes... Per u a parede foi fundada.” 

Elucidario, t. 1, p. 84, et t. II, p. 397.


Italien:

“Non e male alcuno u non peccato ha dispiacente Dio, ne bene o non merto piacendo lui.” Guit. d' Arezzo, lett. I, p. 5. 

Tu homo o ti se' miso?

Jacopone da Todi, lib. II, cant. XXVI.


SAI, LAI, ÇA, LA.

Français: 

“Lai si estoient mis seiz vaissel de pierre... les disciples Nostre Signer lai où il en vait és noces.” Sermons de S. Bernard, fol. 88.


Portugais: 

“De la morteydade áo ça.” Doc. de Paço de Sousa, 1351. (1: Elucidario, t. II, p. 157.)


Italien:

Qual qua e qual la. Boccaccio, Decameron, II, 3.

I, HI, Y.

Cet adverbe n' existe plus qu' en français, tandis qu' autrefois il a été employé par chaque langue.


Espagnol: (N. E. Pongo tildes.)

“No sé si entraré Y más en todos los míos días.” 

Poema del Cid, v. 220.

I nació Sant Millan. Vida de S. Millán, cob. 3.


Portugais:

Com aquellas coussas que hy sun en Santarem.

Doc. de Bostello, 1329. (1: Elucidario, t. II, p. 229.)

Com todolos dereitos que nos hy avemos. Doc. de Arouca, 1316. (2: Ib. p. 30.)


Italien: 

Les Italiens, qui ne se servent plus que d' IVI, ont dit autrefois I, Y.

Ed una scritta I metti...

Che inanzi I va servire.

Barberini, Doc. d' Am. p. 265 et 345.

Per due fiammette che I vedemmo porre. Dante, Inferno, VIII.

Che, s' io volesse, Y scender non potrei. Cecco di M. Angiolieri. (3: Allacci, Raccolta de' Poeti ant., fol. 201.)



CONJONCTIONS, NÉGATIONS, etc.

Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien. 

Com, com, com, (como) como, com.

Quan, quand, quand (cuando) quan, quando; quando.

Mentre; endementre; mientre (mientras);mentres, mentre.

Anz,  ant; ainz, anz; ant (ante); ante, anzi.

Avan, avant, avant, avant, avan, avante.

Et, e, et, e, et, e, (y, i) e, e.

O, ou o, ou, o, ou, o.

Si, si, si, sim, si.

Ni, ne, ni, ni, nem, nè.

Non, non, non (no), nom, non.


COM.

Français: 

L' ancien français employa COM, roman, sans prendre l' E muet final qui aujourd'hui s' y trouve joint.

“Ensi com Dieu plaist.” Villehardouin, p. 13.

Si com je sai et com je croi. Bible Guiot, v. 160.


Espagnol:

La langue espagnole, qui aujourd'hui dit como, s' est servie autrefois de COM, roman, ainsi que de CUEMO.

Esto como cuntiera com non eran certeros...

Santigaron se todos com ó por quel manera

Fincó en el mar vivo una ora sennera...

Dissóli fuertes vierbos com qui con fellonia.

Mil. de N. Sra, cob. 104, 1605 et 777.


Italien:

Com più mi giro e rimiro d' attorno...

Tanto lo intende com fa petra mola.

Com vuol raggion...

Barberini, Doc. d' am. p. 157, 162, 316.

Com val poco! Guit. d' Arezzo, lett. XXXVI, p. 82.


QUANT, QUAN.

Espagnol:

Da quand vaya comigo cuedo qu' el avrà pro. 

Poema del Cid, v. 2140.

El bisbo, quant lo vió, tovó se por guarido... (N. E. obispo; bisbe)

Sant Millan, quant la vió, ovó d' ella dolor...

El sucio alevoso, quant se vió aceitado...

Vida de S. Millán, cob. 79, 156 et 196.


Portugais:

Ca mia sennor, quan muey gran coita ten,

No coraçon faz le dizer tal ren

A que non sabe pois consell aver.

Cancioneiro MS. do coll. dos nobres, fol. 65.


MENTRE, avec le QUE exprimé ou sous-entendu.


Français:

Peindre un petit les me covient

Endementres qu' il m' en sovient. 

Fabl. et Cont. anc., t. I, p. 308.


“Endementres que ce avent.” Gestes de Louis le Débonnaire. (1: Rec. des Hist. de Fr., t. VI, p. 131.)

Endementiers k' il iluec sunt

Al meistre dient ço k' il funt.

Marie de France, t. 2, p 492.


Espagnol:

L' espagnol dit aujourd'hui mientras.

“Mientre que el príncipe vive.” Fuero Juzgo, II, I, 7.


Portugais:

Le portugais n' emploie plus aujourd'hui cette conjonction.

“Mentres á quiser comer no moesterio.” Doc. de Almoster., 1287. (1: Elucidario, t. II, p. 129.) 


Italien: 

“Mentre ella parlava, furon lagrime sparse.”

Boccaccio, Decameron III, 9.


ANZ, ANT, AVAN.

Français: 

“Anz fu assi... ANZ serai, dist-il, semblanz al haltisme.” 

Sermons de Saint Bernard, fol. 33 et 36.

“E corent as vasiaux qui ains, ains, qui mielx, mielx.” 

Villehardouin, p. 193.

Que je n' ai mais de bien nule esperance, 

Ains sui tosjors par parole menez.

Le roi de Navarre., chans. XXIX.

Moult lor convient soffrir dolor

Ains que gens lor doignent du lor.

Roman de la Rose, v. 8020.


Espagnol:

Ant quisó á Dios una oración facer. Poema de Alexandro, cob. 107.

“E mandó que los dichos avant homes mios.” Fuero de Llanes. (1: Llorente, Not. de las prov. vasc. t. IV, p. 192.) 

Que ant sabe la cosa que ome la comida. Vida de S. Millán, cob. 69.


Portugais: 

On trouve dans des mots composés portugais, la preuve de l' existence de AVAN dans la langue.

“Sobre lo departimento dos davanditos termos.”

Doc. de Aguiar, du Beira, 1268. (2: Hist. Litt. de la France, t. XIII, p. 117.)


Italien:

“Lor morte permettendo ante lor viso.” 

Guit. d' Arezzo, lett. XIV, p. 43.

“E misse avante lui bene e male.” Guit. d' Arezzo, lett. III, p. 17.

L' anzi italien est évidemment l' anz roman, auquel la voyelle finale euphonique I a été ajoutée.


ET, E.

Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien. 

Et, e, et, e, et, é, (i, y) é, e.

L' ancien français a employé E soit en vers soit en prose.

A richesces E a honurs ascont,

E dunc ert fort E de plus de poer

A nuir les autres E grever.

Pierre de Vernon. (1: Hist. Litt. de la France, t. XIII, p. 10.)

“E quand il valoit de si grande conversation e soi ja restraindroit meismes d' oisouse parole, e mult sa char dontoit par abstinence.” 

Trad. des Morales de S. Grégoire, fol. 8. 

L' espagnol, qui aujourd'hui préfère Y pour conjonction, a employé primitivement E, ET.

A mio Cid É a los suyos abastóles de pan É de vino.

Poema del Cid, v. 66.

Dans l' ancien poëme du Cid, et dans d' autres monuments anciens de la langue espagnole, on trouve seulement E.


O, OU, disjonctifs.

Français: 

Qu' autrui richesce o mesestance. Marie de France, t. 2, p. 94.


SI.

Chaque langue a employé SI comme terme d' affirmation.

(N. E. Me resulta extraño que Raynouard no hable aquí del oc, òc, hoc : sí en lengua romance, langue romane, plana lengua romana; 

tampoco habla del oïl, oil : oui francés.)

El dialecto occitano catalán todavía usaba el òc en 1461, 1462, resposta de hoc o de no y hay evidencias posteriores.)

“Celle où les méchants n' ont point authorité de commander et les bons SI.” Amyot, Trad. de Plut. mor. t. 3, p. 66.


NI.

Chaque langue employa NI ou NE comme expression disjonctive.

Un caractère particulier de la langue romane, fut d' employer NI dans le sens conjonctif d' ET.

On trouve en français et en italien des vestiges de cette acception.

“Et vos vos conseillerois se vos le porrois faire NE soffrir.” 

Villehardouin, p. 8.

“Pristrent lor fames et lor enfanz et que il en porent traire del feu NE escamper.” Villehardouin, p. 82.

Or t' ai dit comment N' en quel guise

Amant doit faire mon servise.

Roman de la Rose, v. 2589.

Comment vit hons et comment dure

En tele poine N' en tel ardure. 

Roman de la Rose, v. 2600.

Dès que Diex fist Adan NE Eve. Fabl. et Cont. anc. t. 4, p. 137.

Du marchié NE de la paumée

N' avon nos pas béu le vin?

Fabl. et Cont. anc, t. 4, p. 117.

Robers de Blois i fist escrire

Ce qu' il i pot pensser NE dire.

Le Chastiement des dames, v. 759.

N' est pas honorez li mostiers

Où itiez gent chante NE bruit.

Bible Guiot, v. 974.

“Vise doncques quel parti tu dois eslire, NE quelle consolation ou adresse tu espères en telle perplexité.” Œuvres d' Alain Chartier, p. 272.

Dites moi où NE en quel pays

Est Flora la belle romaine.

Villon, p. 23.


Italien: 

Se gli occhi suoi ti fur dolci NE cari. Petrarca, canz., Che debb' io.


NON, NO.


NON fut adopté et se retrouve encore dans toutes les langues de l' Europe latine. 

(N. E. en castellano, “los pimientos de Padrón, unos pican y otros non”. En castellano se usa NO. En galego, gallego, NON.)

La langue romane, pour exprimer la conjonction SI NON, dans le sens d' excepté, séparait souvent SI et NON, et NON était rejeté à la fin du membre de phrase pour lequel si servait précédemment de conjonction.

Cette forme toute particulière, et très caractéristique, fut beaucoup en usage dans l' ancien français, et on en trouve aussi des exemples dans les autres langues.


Français:

“On n' i puet passer SE par un pont de pierre NON...” 

“Et dedenz Andrenoble n' avoit SE les Grex NON.”

Villehardouin, p. 62 et 191.

“Il ne parle SE de toi NON.” Chron. de France. (1: Rec. des Hist. de Fr. t. VI, p. 165.) 


Maintes gens dient que en songes

N' a SE fables NON et mensonges.

Roman de la Rose, v. 2.

 

Hantez d' ome qui fust en vie

SE de lui NON tant seulement.

Fabl. et Cont. anc., t. I, p. 168.

Ne li pooit d' el souvenir

SE de ce NON qui l' angoissoit.

Fabl. et Cont. anc., t. I, p. 188.

Je n' en istrai SE morte NON. Marie de France, t. I, p. 276.

N' arai mais amie ne fame 

SE vous NON, bele douce dame.

Fabl. et Cont. anc., t. 2, p. 422.

Tant qu' il fu de si grant renom

Qu' en ne parloit SE de lui NON.

Fabl. et Cont. anc. t. 4, p. 393.

Moustiers est meson d' oroison;

N' i doit parler SE de Dieu NON.

Le Chastiement des dames, v. 404.

Si n' avoit barbe ne grenon,

SE petiz peus folages NON.

Roman de la Rose, v. 822.

Que je n' i os parler de raençon,

Ne d' ostage, s' en bele guise non.

Le roi de Navarre, chans. XXXII.


Espagnol:

De al no li membraba SI de esto solo NON.

Mil. de N. Sra, cob. 776.


Portugais:

SE per vosso mandado NON...

Por que non ei

Eu poder no meu coraçon

D' amar, mia sennor, SE vos NON.

Canc. MS do coll. dos nobres, fol. 42 et 53.


Italien:

Nullo è buono s' ello è buon NO. Barberini, Doc. d' Am., p. 163.

“A niun altro s' ha da attribuire la causa SE alle donne NO.”

Castiglione corteg. lib. 3.


Cet accident grammatical serait très remarquable, quand même il existerait seulement dans une des langues de l' Europe latine. Que penser, quand on le trouve dans toutes? Peut-on ne pas reconnaître, à de telles conformités, la preuve, toujours plus évidente, d'une origine commune, d' un type primitif?