Adjectifs.
Le plus grand nombre des adjectifs romans furent tirés du latin, et formés, comme l' avaient été les substantifs, par la suppression de la désinence caractéristique des cas, tels que: altum, sanctum, vanum, fortem, vilem, malum, bonum, vulgarem, fidelem, gloriosum, durum, mortalem, ingratum, etc..
En indiquant les rapports des adjectifs des langues de l' Europe latine, j' avertis qu' ils appartiennent à deux classes principales.
La première comprend ceux qui, soit au singulier, soit au pluriel, prennent la désinence caractéristique du genre, quand ils se rapportent à un substantif féminin.
La seconde, ceux qui, invariables, quant au genre, ne changent point leur désinence, quel que soit le genre auquel ils se rapportent.
Adjectifs variables en AL.
Les adjectifs latins en ALUS produisirent des adjectifs romans des deux genres.
Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien.
Mal Mal Mal Mal Mal.
Le français l' a employé autrefois:
“Par lors mals exemples et lor males semonces.”
Sermons de S. Bernard, fol. 108.
Molt est li siecles en mal point.
Bibl. Guiot, V. 1827.
Mal est resté dans plusieurs mots composés, tels que:
malheur, malemort, etc.
La langue espagnole conserva quelque temps la terminaison romane pure:
“Como del mi mal pleito todos son sabidores.”
Mil. de N. Sra, cob. 763.
“Per mal taliento.” Fuero d' Oviedo. (1: Llorente not. de las prov. vasc. t. IV, p. 103.)
Le portugais, qui dit aujourd'hui mao, ma, a dit autrefois Mal, Mala.
“E mal dia nasci.” Canc. MS. do coll. dos nobres, fol. 95.
L' Italien peut, après l' L, admettre ou rejeter l' O euphonique.
“Avendo avuto pietà del mal trattamento.”
Novelle inedite, p. 240.
Les divers patois de la haute Italie ont gardé MAL roman.
Adjectifs invariables en AL.
Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien.
Carnal Charnel Carnal Carnal Carnal
Celestial Celestial Celestial Celestial Celestial
Eternal Éternel Eternal Eternal Eternal
Leal Loial Leal Leal Leal
Mortal Mortel Mortal Mortal Mortal.
La désinence des adjectifs invariables en AL, venant d' ALIS, ALEM latins, fut adoptée dans toutes les langues de l' Europe latine.
La langue italienne reçoit ou rejette l' E final; les patois de la haute Italie ne l' admettent pas.
L' espagnol, le portugais, l' italien, ont conservé aux noms en AL leur genre invariable. La langue française l' avait admis pendant long-temps, et j' en rapporterai diverses preuves.
Adjectifs français en AL autrefois invariables.
“Il fist faire et ordener un livre de la canonial vie.”
Gestes de Louis le Débonnaire. (1: Rec. des hist. de Fr. t. VI, p. 141.)
“Souffrir peine capital.” Anc. cout. d' Orléans. (2: Gloss. sur Joinville, E.)
“Trespassa de ceste mortel vie à la celestial joie.” Chron. de France.
(1: Rec. des Hist. de France, t. III, p. 264.)
“Par le conseil de la desloial Fredegonde.” Chron. de France. (2: Ib. p. 209.)
“E l' asistrent en la chaiere emperial.” Chron. de France. (3: Ib. p. 190.)
Pour traiter la paix final. Martial d' Auvergne, t. I, p. 123.
L' amor de sa loyal moillier. Roman de la Rose, v. 20249.
Par la vertu medecinal. Testam. de J. de Meung.
“L' excellence de ta royal majesté.” Chron. de France. (4: Ib. p. 221.)
“Pour tel condicion que il mist les choses celestiaus avant les terrienes.”
Chron. de France. (5: Ib. p. 312.)
As creatures qui reçoivent
Les celestiaus influances.
Roman de la Rose, v. 18082.
La langue française a conservé de cette forme ancienne lettres royaux.
Plusieurs adjectifs français en EL, représentant l' AL roman, conservèrent long-temps leur indéclinabilité; en voici des exemples:
“Ne mies tant par aleure corporel cum por desier d' apparillier devotions.” Sermons de S. Bernard, fol. 62. (1: Glossaire sur Joinville, A.)
“Cil qui fait desleel assemblée.” Anc. cout. d' Orléans. (2: Ib. D.)
“Une matrone qui la leva des fons e fust sa mere esperituel.”
Chron. de France. (3: Rec. des Hist. de Fr., t. III, p. 209.)
Or me gart Diex de mortel plaie. Roman de la Rose, v. 1323.
“Trespassa glorieusement de ceste mortel vie à la joie perdurable.”
Chron. de France. (4: Ib. p. 176.)
D' eux à mort naturel mener. Roman de la Rose, v. 17228.
“Tu morras de mort perpétuel.” Chron. de France. (5: Ib. p. 220.)
Adjectifs en AN.
Roman: Human, lontan, san, van, villan, etc.
Français: Humain, lointain, sain, vain, vilain, etc.
Espagnol:
L' ancien espagnol se passait quelquefois de l' O euphonique.
Non me querra oir, esto sélo de plan,
Ca fui contra ella torpe é mui villan.
Milag. de N. Sra, cob. 762.
De plan fut employé en locution adverbiale:
Que fizo tal miraclo yo lo leí de plan.
Vid. de S. Dom. cob. 334.
Aujourd'hui on dit de plano.
Portugais:
Il prend l' O euphonique, mais on trouve encore des traces de la terminaison romane.
“Se o confrade disser a outro confrade: Villam.”
Doc. de Thomar, 1388. (1: Elucidario t. I, p. 312.)
Italien:
L' italien pouvant l' admettre ou le rejeter après l' N, on trouve souvent:
Human, lontan, san, van, villan.
Les patois de la haute Italie n' admettent pas la voyelle après les adjectifs en AN.
De l' adjectif Grand.
De tous les adjectifs primitivement invariables, grand est un de ceux qui ont laissé des traces les plus remarquables de la communauté d' origine.
Français:
Pendant long-temps la langue française employa Grand avec les divers substantifs des deux genres; et, aujourd'hui même, il est comme identifié avec quelques mots féminins, sans en prendre le genre.
Qui ot grant force e grant vertu. Roman de la Rose, v. 1076.
“Mult fu gran la renomée par les terres.” Villehardouin, p. 2.
Ma grant dolor et mes maus alegier...
E tant me fi en sa grant loiauté.
Le Comte d' Anjou. (1: La Borde, Essai sur la Musique, t. II, p. 154.)
“Il convient mult penser à si grant chose.” Villehardouin, p. 8.
Quant il voit la grant desconfiture. Roman de la Rose, v. 241.
“Il portait une grant barbe.” Desperriers, nouv. XLIV.
Feuilles de rose grans et lées. Roman de la Rose, v. 898.
Qui nuit et jour sourt à grans ondes. Roman de la Rose, v. 1439.
Les grans vertus qu' on lui a veu avoir. Clément Marot, t. 3, p. 369.
(2: Je crois devoir me borner à ces exemples; mais j' ajouterai que, pour se convaincre toujours plus de l' emploi de cet adjectif comme invariable, on peut voir, entre autres, la note sur le Cimbalum mundi, p. 182; Clément Marot, t. IV, p. 138, 241, 262, 26*884, 287, 288, 291, 294, 295, 304, 308, 314, 318, 319; Joac* du Bellai, fol. 14, 19, 20, 35, 59, 86, 94, 179, 274, 282, *8, 293, 318, 328, 329, 349, 352, 373, 375, 392, 394, 400, *, 410, 414, 420, 422, 427, 438, 442, 451, 471, 549, 559; Vigiles de Charles VII, t. I, p. 9, 12, 27, 29, III, 132, *, 218, 219; etc. etc.
Ce n' est que tard que l' adjectif grand a été soumis aux règles grammaticales relatives au genre; pendant assez long-temps les écrivains français ont employé tantôt grand, tantôt grande; on le trouve ainsi dans les auteurs du XVIe siècle.
Les grans roches se font de jour en jour moins grandes.
Dubartas, p. 390.
Uni à divers substantifs français, il est resté invariable; on dit encore:
Grand chambre, grand chère, grand croix, grand mère, mère grand, grand peine, grand pitié, grand route, grand rue, grand salle, etc.
On ne devrait donc pas marquer d' une apostrophe la consonne finale de grand ainsi employé.
Espagnol:
Cet adjectif est invariable dans la langue espagnole.
“Con gran diligencia... con grant devocion.”
Fuero Juzgo, Tit. I, I.
“Que fue franc è ardit è de grant sabencia.”
Poema de Alexandro, cob. 6.
Portugais:
“Mui gram partija dos fraires.” Doc. de Thomar, 1321. (1)
“Ei muy gram vergunha.” Doc. de Vairam, 1289. (2)
Por sa gram fermosura e sa bondade. El Rey Diniz. (3)
Italien:
La langue italienne emploie aussi Gran avec les deux genres; elle dit même Gran Gran en forme de superlatif.
Les patois de la haute Italie ne disent que gran.
De l' adjectif Sanct.
L' adjectif sanct conserva long-temps sa terminaison romane, quand il fut placé devant le nom propre.
Le français dit saint; il a même dit autrefois *sant comme le roman. Ainsi on trouve Sant Pol, dans la *traduction de la Passion de S. Pierre. (4)
L' académie espagnole déclare que, devant un nom de saint, on doit se servir de San au lieu de Santo. Primitivement l' espagnol employait sant.
(1) Elucidario t. II, p. 203.
(2) Elucidario t. II, p. 207.
(3) Dans un sonnet attribué à ce roi, et qui se trouve dans les œuvres d' Antonio Ferreira.
(4) A Cat. of Harleian MS., t. 2.
“De sant Miguel era de la clusa claustero.”
Mil. de N. Sra, cob. 353.
“Qui la vida quisiere de Sant Millan saber.”
Vid. de S. Millán. cob. I.
Le portugais usa aussi de cette forme romane:
“Em hum moesterio de Sam Francisco.”
Chron. del rey D. Joam I, p. 347.
Et les Italiens la préfèrent généralement.
Adjectifs en ANT.
La langue romane avait ses adjectifs, soit simples, soit verbaux, en ANT, invariables quant au genre.
Pendant long-temps ces sortes d' adjectifs furent aussi invariables dans la langue française; je crois nécessaire de le constater par des exemples variés.
Qui moult fu avenans e bele. Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 424.
Et tant ont les langues cuisans
Et venimeuses et nuisans.
Roman de la Rose, v. 16867.
Sachés que c' est moult plesant chose.
Roman de la Rose, v. 2723.
Un jour li ala demander
De s' alene s' ele ert puanz,
Ou s' ele esteit souef oulanz.
Marie de France, t. II, p. 191.
“Brunehault estoit puissans et plus honorée de li.”
Chron de France (1: Rec. des Hist. de Fr., t. III, p. 243.)
Ne voient pas quele aventure
En vient après pesans e dure.
Marie de France, t. 2, p. 238.
Si sui riche fame e poissans.
Roman de la Rose, v. 585.
Espines tranchans et agues.
Roman de la Rose, v. 1685.
La vaillant et la debonaire.
Roman de la Rose, v. 784.
Cette forme romane s' est conservée long-temps dans la langue française:
La mer bruyant d' Abide l' ancienne. Clément Marot, t. 4, p. 104.
Contre la dicte complaignant. Coquillart, p. 75.
Ignorans sont les nayades encore. Clément Marot, t. 4, p. 47.
Piquant couronne ali chief digne portant. Clément Marot, t. 4, p. 148.
Plaisans paroles sont esteintes.
Charles d' Orléans, p. 100.
René duc de Lorraine
Eut deux femmes vivans.
Molinet, p. 177.
Et chemina sur l' herbe verdissant.
Clément Marot, t. 4, p. 99.
La langue espagnole a, depuis long-temps, ajouté la voyelle euphonique E aux désinences des adjectifs en ANT, mais on trouve encore des vestiges de la forme romane.
Bien es de los miraclos semeiant è calanna.
Milag. de N. Sra, cob. 152.
“Frucho muy sobrepuiant.” Fuero Juzgo, Tit. I, I. (1: Le texte porte muy poiante, mais la note indique les variantes de divers manuscrits où on lit sobrepuiant.)
La langue portugaise a pris aussi la voyelle finale.
L' Italien ne la rejette jamais après le T; les patois de la haute Italie ont conservé la forme entièrement romane.
Adjectifs déclinables en AR.
Les adjectifs romans formés d' Arus, Arum, furent déclinables.
Roman: Amar, avar, car, clar, rar.
Français:
L' ancien français appliqua à ces adjectifs romans diverses modifications précédemment expliquées.
Amer, aver, cher, clair, rare.
Avant de dire avare il avait employé aver.
Jadis estoit un vilains riches
Qui moult estoit avers et ciches.
Fabl. et Cont. anc. t. I, p. 1.
Qui ne fut avers ne eschars.
Bibl. Guiot, V. 324.
Les autres langues de l' Europe latine ont généralement ajouté l' O final euphonique; l' Italien a employé AR, mais rarement.
“Vostre sennato e retto e car savere.”
Guit. d' Arezzo, lett. II, p. 31.
“E amar pomi.” Guit. d' Arezzo, lett. 13, p. 37.
Les patois de la haute Italie ont gardé la forme romane.
Adjectifs invariables en AR.
La seconde classe des adjectifs romans en AR, dérivée ou imitée des adjectifs latins, Aris, Arem, appartint aux adjectifs invariables, soit qu' ils prissent l' E final euphonique, soit qu' ils le rejetassent; mais le français abandonna bientôt la forme romane.
Roman: Familiar, par, regular, singular, vulgar.
Français: Familier, pair, régulier, singulier, vulgaire.
Espagnol: Familiar, par, regular, singular, vulgar.
Portugais: Familiar, par, regular, singular, vulgar.
Italien: Famigliar, par, regular, singular, volgar.
L' Italien peut admettre ou rejeter la voyelle euphonique après l' R final; les patois de la haute Italie conservèrent toujours la terminaison primitive.
On a vu que des adjectifs français changèrent en ER la terminaison romane AR, venant d' Aris. Des exemples prouvent que la langue française leur conserva quelquefois l' invariabilité primitive, quant au genre.
Dient qu' il n' a sous ciel sa per. Marie de France, t. I, p. 520.
Adjectifs en AT, AD.
Roman: Fat, ingrat, plat, scelerat, amat.
Français: Fat, ingrat, plat, scélérat.
Dans les adjectifs simples, le français a conservé la terminaison romane.
Quant aux adjectifs verbaux, formés par les participes passés romans en AT, il les a changés en ET par la même opération que j' ai déja eu occasion de faire remarquer au sujet des substantifs en AT.
Dans tous ces adjectifs en AT ou AD, l' espagnol, le portugais, l' italien, ont pris la voyelle euphonique. Les patois de la haute Italie ont conservé le roman pur.
Adjectifs en EL.
Les adjectifs en EL, comme quelques adjectifs précédents, appartiennent aux deux classes.
Les adjectifs dérivés ou imités des adjectifs latins en Ellus prirent l' A caractéristique du féminin singulier, tandis que les adjectifs dérivés d' Elis ou de toute autre terminaison latine en IS, restèrent invariables.
Les adjectifs en EL roman, qui prennent les deux genres, sont rares; toutes les langues de l' Europe latine ont dit ou disent:
Bel, novel.
“Deus, nuvel chant io canterai à tei.”
Trad. du ps. 143, psaut. de Corbie.
Comme, en français, la terminaison moderne en EAU est un simple changement euphonique, le féminin a conservé belle, nouvelle, qui représentent bella, novella, romans.
Espagnol: Bel, novel. (N. E. bello, nuevo; bella, nueva)
Portugais: Bel, novel.
Italien: Bel, novel. Après L, l' O euphonique peut être ajouté ou rejeté.
Les patois de la haute Italie disent bel, novel.
Adjectifs invariables en EL.
Les adjectifs dérivés d' Elis, latin, restèrent invariables, soit qu' ils prissent la voyelle euphonique, soit qu' ils conservassent la désinence romane EL.
Roman: Crudel, fidel.
Français: Cruel, fidel.
L' ancien français a d' abord employé fidel sans l' E muet euphonique.
“Apres Neron Cesar esteient à Rome les dous fidels maistres as cristiens.” Trad. de la Passion de S. Pierre. (1)
“Plusieurs de ses freres avoient greigneur cure de jolivetés et d' envoisures qu' ils n' avoient de guerroyer les infidels.”
Le Chevalier errant. (2)
Dans l' ancien français, ces sortes d' adjectifs furent invariables, quant au genre.
“Li Frison qui sont gent cruel et hardie.” Chron. de France. (3)
Mes une cruel maladie. Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 405.
(1) A Cat. of Harleian MS. t. 2.
(2) Notices des MS. de la Bibl. du Roi, t. V, p. 567.
(3) Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 310.
Espagnol: Cruel, fiel.
Portugais: Cruel, fiel.
Italien: Crudel, fedel.
Les patois de la haute Italie ont toujours conservé la désinence romane, ainsi que la communauté du genre.
Adjectifs des deux genres en ENT.
Dans les adjectifs terminés en ENT, il faut distinguer aussi ceux qui viennent d' Entus, latin, et ceux qui viennent d' Ens, Entem, latins, ou des participes présents.
Les premiers ne furent pas invariables.
Roman: Content, lent.
Français: Content, lent.
L' espagnol, le portugais, l' italien, prennent l' O final. Mais les adjectifs des patois de la haute Italie, en donnant, comme la langue romane, l' A au féminin de ces adjectifs au singulier, ont conservé la terminaison romane ENT au masculin.
Adjectifs invariables en ENT.
Ces adjectifs, soit simples, soit verbaux, vinrent d' Entem latin, ou furent formés par analogie.
Roman: Omnipotent, innocent, prudent, impatient.
Français: Omnipotent, innocent, prudent, impatient.
Prie Dieu molt devoltement
Le gloriox omnipotent.
Le Castoiement, cont. 6.
La langue française changea en ANT les participes présents des verbes en RE et en IR; et conséquemment les adjectifs verbaux formés de ces participes sont tous en ANT.
Le féminin des adjectifs en ENT prit l' E muet.
Espagnol:
La langue espagnole a depuis long-temps adopté l' E final euphonique, mais on trouve dans ses anciens monuments de nombreux exemples de la terminaison purement romane.
Guie nuestra facienda el rey omnipotent.
Vid. de S. Millán. cob. 90.
Marido é mugier, un convenient cosado.
Vid. de S. Millán. cob. 342.
Qual merecia tal pueblo tan desobedient.
Vid. de S. Millán. cob. 290.
Recudió el sant ome, fueli obedient.
Vid. de S. Millán. cob. 90.
Andaba cerca dellas prudient é mui espierto.
Vid. de S. Domingo, cob. 22.
Que sano é valient en el infierno cayas.
Vida de S. Domin. Cob. 482. (1: Dans quelques variantes du Fuero Juzgo, on trouve aussi ENT pour ENTE:
“Mui pacient á los menores.” Fuero Juzgo, I, I, 4. not. 49, escurial 2.)
Portugais:
Le portugais a ajouté l' E euphonique à Ent.
Italien:
L' italien a fait de même; mais les patois de la haute Italie ont gardé la terminaison romane.
Adjectifs des deux genres en ERT.
Ces adjectifs dérivés d' Ertum latin furent soumis aux deux genres, soit qu' ils fussent simples, soit qu' ils fussent verbaux.
Cert, cubert, apert,
Ils reçurent, dans l' espagnol, le portugais et l' italien, l' O final euphonique au masculin et l' A au féminin. Les patois de la haute Italie rejetèrent toujours l' O et gardèrent la forme romane en désignant le féminin par l' A final.
Adjectifs invariables en ERD, ERT.
Verd roman, venant de viridem latin se conserva indéclinable dans les langues dérivées, soit qu' il prît l' E euphonique final, comme il l' a fait en espagnol, en portugais et en italien, soit qu' il le rejetât comme fit d' abord la langue française.
Ce n' est que tard qu' on a dit verte au féminin; long-temps l' adjectif est resté invariable.
A il coillie une vert foille. Roman de la Rose, v. 2888.
“Si que il n' i paroît que l' erbe vert.” Joinville, p. 84.
“L' erbe vert qui entour l' autel estoit.” Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 241.)
Ne lui riblent sa caige vert. Villon, p. 59.
Chas auprès, sur l' herbe verd se siet.
Guil. Cretin, p. 98.
D' erbe vert, de bois, de gaudines,
Faisoient loges et courtines.
Le Renard contrefait. (2: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. V, p. 350.)
Adjectifs en IL.
Ces adjectifs, invariables dans la langues romane, restèrent tels dans toutes les langues de l' Europe latine:
Gentil, fertil, servil, util, vil, etc. etc.
ils furent employés comme tels, même en français:
Sovent feiz a li parlerent
Qu' une gentil femme espusast.
Marie de France, t. 1, p. 160.
De bonne terre et de gentil moillier.
Roman de Guill. au court nez.
De neant fit réalité,
D' immobil mutabilité.
Test. de J. de Meung, v. 381.
On ne voit champ tant soit fertil,
S' il n' est poitry du labourage
Qu' a la fin ne vienne inutil.
Ronsard, t. 2, p. 1538.
“Le mentir est un vice servil.” Amyot, trad. de Plutarque. (1: Morales, t. 1, p. 53.)
Et se fu gentix, longue et droite. Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 424.
Maintenant en un bel repaire
L' ammena la gentix comtesse.
Fabl. et Cont. anc., t. 3, p. 422.
Moult est riche la robe que d' onor est venue;
Mes cele est povre et vil qui de honte est créue.
La Folle et le Sage. (2: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. V, p. 561.)
Adjectifs en IN.
Les adjectifs français conservèrent la désinence romane IN; l' espagnol, le portugais, prirent l' O euphonique; l' italien put l' admettre ou le rejeter à cause de l' N final; et les patois de la haute Italie gardèrent, comme le français, la terminaison primitive.
Adjectifs en IT.
Les adjectifs romans en IT, soit simples, soit verbaux, s' accordent avec le substantif, quant au genre, et quant au nombre.
Contrit, petit, subit, etc.
Ils passèrent en français; quelques-uns perdirent le T final, tel que hardi.
L' espagnol, le portugais et l' italien adoptèrent l' O final. On trouve cependant dans l' ancien espagnol des exemples du roman pur.
Que fue franc è ardit... P. d' Alexandro, cob. 6.
Fueron á un bellaco muy grand et muy ardid.
Arcipreste de Hita, cob. 42.
Del vestido más chico sea tu ardit alardo. (N. E. añado tilde a más)
Arcipreste de Hita, cob. 429.
El fueste Troyano
No fue más ardid ni tanto oviente.
Gómez Manrique, Canc. fol. XLI.
Les patois de la haute Italie ont conservé la terminaison romane.
Adjectifs en OLZ, ULZ.
Dolz, roman, venu de dulcis latin, conserva sa qualité d' invariable.
L' espagnol employa souvent le mot roman sans l' E euphonique ajouté depuis. Voici des exemples de l' emploi de dolz au masculin et au féminin.
Que daba más dulz fumo que un dulz lectuario.
Sacr. de la Misa, cob. 35.
Tal cevo les partió á la su dulz mesnada.
Sacr. de la Misa, cob. 168.
L fructo de los arbores era dulz é sabido.
Mil. de N. Sra, cob. 15.
Con su ninno en brazos, la su dulz creatura.
Mil. de N. Sra, cob. 879.
Durmió, quanto dios quiso, suenno dulz è temprado. (N. E. leo quisó)
Vid. de S. Millán. cob. 11.
Fue la alma á la gloria, á la dulz cófradía, (cofradía)
Mil. de N. Sra cob. 234.
Le portugais ajoute l' E euphonique et supprime l' L, et l' italien dit dolce. Les patois de la haute Italie ont conservé la désinence romane.
Adjectifs en ON.
Les adjectifs latins en ON, dérivés du latin onus, furent soumis aux deux genres.
Le roman et le français dirent Bon.
L' ancien espagnol de même.
“E seya bon home.” Fuero de Molina. (1: Llorente, not. de las prov. vasc. t. IV, p. 131.)
“E deven seer de bon saso.” Fuero Juzgo, I, II, p. 111.
Le portugais prit l' O final euphonique, et l' italien put l' admettre ou le rejeter à cause de l' N final.
Adjectifs des deux genres en ORT.
Les adjectifs en ORT, simples ou verbaux, venus du latin ortus, reçurent le signe féminin.
Français: Tort, mort.
Ils prirent au masculin l' O euphonique en espagnol, en portugais et en italien; les patois de la haute Italie le rejetèrent.
Adjectifs invariables en ORT.
Les adjectifs romans en ORT dérivés du latin ortem, ou venus d' une autre langue, furent invariables quant au genre, soit que la langue qui les employait adoptât ou rejetât l' E euphonique.
Roman: Fort, cort.
Français: Fort.
D' après la règle romane, l' ancien français employait Fort au féminin.
“Et la ville fu mult fors e mult riche.” Villehardouin, p. 144.
“Et dist que celle nacion est plus fors et plus hardie que elle n' est grans en nombre de personnes.” Chron. de France. (1: Rec. des Hist. de Fr., t. III, p. 185.)
Car targes ont et fors et fieres. Roman de la Rose, v. 16025.
“Qui est une des plus forz cités del monde.” Villehardouin, p. 24.
La langue espagnole employa autrefois l' adjectif Fort sans l' E final qu' il a aujourd'hui.
Assi fassen los griegos que son yent fort é dura.
(N. E. Así hacen los griegos que son gente fuerte y dura.)
Poema de Alexandro, v. 773.
Un castiello tan fuert. Poema del Cid, v. 2864.
Le portugais et l' italien adoptèrent l' E final; mais les patois de la haute Italie le rejettent.
Adjectifs des deux genres en OS.
Roman: Amoros, enuios, glorios, perillos, etc. (N. E. sin tildes)
Français: Amoros, enuios, glorios, perillos, etc.
Avant d' avoir ces finales en EUX, l' ancien français employait la désinence primitive OS.
Pensix esteit et angusox. Marie de France, t. I, p. 228.
Je sui ici molt doulerox. Fabl. et Cont. anc. t. I, p. 99.
En son cuer fu mult enviox. Marie de France, t. 2, p. 281.
Si comencierent l' assaut grant et merveillos. Villehardouin, p. 140.
Por Deu lo riche glorios. Roman de Tristram.
Que il estoit mol perecox. Fabl. et Cont. anc, t. 2, p. 166.
Lonc pont i a et perillox. Fables et Cont. anc. t. I, p. 286.
As langoros, as non veanz. Robert Wale. (1: Essais hist. sur Caen, par M. de la Rue, t II, p. 174.)
“Icil religios reçoivent genz.” Livre de Just. et de Plet. (2: Gloss. sur Joinville, P.)
“Celé chose lor sembloit estre mult longe e mult perillose.”
Villehardouin, p. 43.
“Une des plus doutoses choses.” Villehardouin, p. 58.
L' espagnol, le portugais, l' italien, ont ajouté l' O euphonique que les patois de la haute Italie ont toujours rejeté.
L' adjectif Pros exige une remarque particulière.
Cet adjectif roman resta invariable dans la langue française, et le fut même encore lorsque OS fut changé en EUS ou EUX.
“Le dux qui mult ert sage et proz.” Villehardouin, p. 10.
Qui mult est bele, sage, e pruz. Marie de France, t. I, p. 450.
Ilec murut la dameisele
Qui tant est pruz e sage et bele.
Marie de France, t. I, p. 268.
Que tu soies preus et isnele. Fabl. et Cont. anc. t. 3, p. 309.
Preus et cortoise ert la pucele. Marie de France, t. I, p. 544.
Cet adjectif se retrouve dans la seule langue italienne qui employa PRO pour les deux genres.
“Costumato e valoroso e pro e bello.” Boccac. Decameron II, 8.
Qui si tenga
Gagliarda e pro tua gente.
Barberini, Doc. d' am., p. 264.
“Voi fiete divenuto un pro cavaliere.” Boccac. Decameron II, 10.
Adjectifs en AU.
Les adjectifs romans Brau, Esclau, prirent en français l' E muet euphonique, et, en espagnol, portugais et italien, l' O; les patois de la haute Italie ont conservé la terminaison romane.
Adjectifs invariables en EU.
Breu, greu, etc., romans, en passant dans la langue française, changèrent en F l' U final.
De grief penitence sofrir. Marie de France, t. 2, p. 421.
“La brief parole et apertement dite plait aus entendans.”
Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 152.)
Lors t' avendront les aventures
Qui as amans sunt griés et dures.
Roman de la Rose, v. 2378.
Grief chose fu du departir. Fabl. et Cont. anc, t. 4, p. 439.
“Les sillabes briez estoient mises pour longues, et les longues pour briez. “ Chron. de France. (2: Ib. p. 239.)
Lorsqu' en français ces adjectifs ne furent pas employés comme invariables, le féminin reprit le V primitif.
Por co eslis, par Deu licence,
La plus grieve penitence.
Marie de France, t. 2, p. 432.
L' espagnol, le portugais, l' italien, prirent la voyelle euphonique après le V. La forme romane resta dans les patois de la haute Italie.
Adjectifs en IU.
Cette terminaison des adjectifs romans se changea en IF français, au masculin; mais le féminin garda la consonne romane, et le français dit:
Vif, vive, adoptif, adoptive.
Toutes les autres langues romanes adoptèrent l' O euphonique au masculin, et eurent A au féminin; les patois de la haute Italie conservèrent la désinence romane.
Adjectifs en OU.
Ces adjectifs romans en OU, venus du latin ovus, furent variables quant au genre.
Le français changea OV en EUF au masculin, mais reprit le V au féminin neuf, neuve, etc. (N. E. Nov : nou; noua: nova)
Les autres langues dirent novo, nova; (N. E. español, nuevo, nueva) les patois de la haute Italie gardèrent le roman pur.
Adjectifs en UN.
Les adjectifs en UN furent des deux genres quand ils vinrent du latin unus.
Le roman et le français dirent, opportun.
L' espagnol et le portugais ajoutèrent l' O euphonique que l' italien put admettre ou rejeter et que n' admirent pas les patois de la haute Italie.
Quant aux adjectifs dérivés du latin unis, ils restèrent invariables, et toutes les langues de l' Europe latine dirent ou purent dire commun.
Le français seul ajouta au féminin l' E caractéristique du genre.
L' Italien admit ou rejeta tour-à-tour l' E euphonique, et les patois de la haute Italie employèrent toujours la désinence primitive.
Adjectifs en UR.
Les adjectifs romans venus du latin urus conservèrent d' abord en français leur terminaison UR au masculin; et, postérieurement, quelques-uns ajoutèrent l' E muet.
Roman: Segur, parjur, dur.
Français: Segur, parjur, dur.
“Il estoit arrivé a segur refuge.” Chron. de France. (1)
“Il ne fust tenus pour parjur.” Chron. de France. (2)
“La fin prova apres que il furent parjur de ceste chose.”
Chron. de France. (3)
Et se j' en sui parjurs a emiant. Le Roi de Navarre, t. II, p. 39.
L' espagnol et le portugais adoptèrent l' O euphonique, que l' italien put omettre ou ajouter, et que rejetèrent les patois de la haute Italie.
(1) Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 276.
(2) Ib. p. 297.
(3) Ib. p. 297.
Régimes d' adjectifs.
Dans la grammaire de la langue romane, j' ai prouvé que souvent les prépositions A et DE étaient employées à exprimer les rapports des adjectifs et des substantifs, et qu' alors elles devenaient, pour ainsi dire, régimes d' adjectifs. (4: Cette forme, dont il est facile d' abuser, donne au discours de la précision et de la force. Les poëtes français, qui se distinguèrent le plus dans le XVIe siècle, employèrent souvent ces sortes de régimes, et de nos jours on s' en est beaucoup servi. Je ne crois pas étranger à mon sujet, de rapporter quelques exemples choisis seulement dans Remi Belleau et dans Bertaut. On trouvera que des formes qui, dans le dernier siècle, ont passé pour des créations de style, avaient été employées jusqu'à l' abus, lors de la renaissance des lettres en France.
Quand chacun attentif d' oreille et de pensée,
Tient sa langue immobile et sa bouche pressée.
Bertaut, p. 312.
Soit ou beau de richesse ou riche de beauté.
Bertaut, p. 158.
Et rend ces côtes là fameuses de naufrages.
Bertaut, p. 204.
Cependant j' espérais qu' une heureuse victoire
Te renverrait bientost grand de nom et de gloire.
Bertaut, p. 183.
Las! bien estoi-je mort d' espoir et de courage.
Bertaut, p. 521.
Gros de foudre, d' esclair, de tonnerre et d' orages.
Remi Belleau, t. I, p. 208.
Adieu bouchette orpheline
Du baiser.
Remi Belleau, t. 2, p. 75.
Cette forme, qui se retrouve dans beaucoup d' autres langues, est ancienne dans celles de l' Europe latine; il suffira de donner des exemples de la préposition DE.
Français:
Ardans de pierres precieuses. Roman de la Rose, 6127.
Onc mès ne fu nus leus si riches
D' arbres ne D' oisillons chantans.
Roman de la Rose, v. 480.
Si se desnue et se desrobe
Qu' ele est orfenine de robe.
Roman de la Rose, v. 6176.
Et de sa richesse vaillanz.
Bible Guiot, v. 358.
Italien:
“Copiosa di tutti i beni.” Boccac., Decameron VII, 6.
“Paese, quantunque freddo, lieto di belle montagne,
Di più fiumi e di chiare fontane.” Boccac., Decameron X, 5.
“Ricco e di possessioni e di denari.” Boccaccio, Decameron VII,. 5.
Espagnol:
“Non sea osado de tirar de la iglesia aquellos que á ella fuyen.”
Fuero Juzgo, VI, v. 17, Var.
Portugais:
“Un reino falto de homēes, pobre de conselho.”
D. Hier. Osorio, Cart. 3.
Signe particulier des adjectifs français pour designer, soit au singulier, soit au pluriel, les sujets et les régimes.
J' ai déja eu occasion de dire que les adjectifs français, ainsi que les adjectifs romans, s' accordaient avec le substantif, en prenant ou refusant l' S final dont la présence ou l' absence indiquait les sujets et les régimes au singulier et au pluriel.
Ce caractère essentiel et remarquable de la langue romane resta dans l' ancien français; et j' en citerai des exemples sous la forme déja adoptée pour les substantifs.
Sujets au singulier.
Assonnances en A:
Granz et pleniers est li servises. Partonopex de Blois. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. IX, part. II, p. 19.)
Puisqu' ainsi est que de vous suis loingtains.
Charles d' Orléans, p. 105.
“Pierre d' Amiens qui mult ere riches et halz hom et bon chevaliers et pros.” Villehardouin, p. 120.
“Li mals esperiz nostre Seignur te travaille.”
Trad. du Ier liv. des Rois, fol. 20.
Assonnances en E:
Devint fiers en faiz et en diz. Partonopex de Blois. (2: Ib. p. 9.)
Vostre toujours soye jeunes ou vieulx. Charles d' Orléans, p. 108.
“Mult ere sages et preuz et vigueros.” Villehardouin, p. 150.
“Ferms est li tuen soliers.” Trad. du ps. 92, ms. n° I.
“E li jorz fu belz e clers e li venz dols e soes.” Villehardouin, p. 46.
Assonnances en I:
“Quant je serai saisiz de ma terre." Villehardouin, p. 113.
Mes drois est que fins amis
Soit à sa dame ententis.
Le roi de Navarre, chans. II.
Jolis et renvoisiés deviengne. Roman de la Rose, v. 10446.
“Ainsi fu departiz le gaienz de Costantinople.” Villehardouin, p. 105.
E li pomiers ert bien floriz. Partonopex de Blois. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. IX, part. II, p. 57.)
Assonnances en O:
“Ensi dura cel assals mult durs et mult fors et mult fiers.”
Villehardouin, p. 96.
Morz est Cloovers li bons rois. Partonopex de Blois. (2: Ib. p. 30.)
Tu es Deus sols. Trad. du ps. 85, psaut. de Corbie.
Assonnances en U:
Li ciex est clers, li airs est purs,
Adès s' en vait li tens oscurs.
Partonopex de Blois. (3: Ib. p. 7.)
Toz vestuz s' est couchiez el lit. Partonopex de Blois. (4: Ib. p. 44.)
E cil avale le perchant
Qui pus estoit aguz d' un dart.
Fabl. et Contes anc, t. 4 p. 249.
“Li cuens Baudoins de Flandres i ere jà venuz.” Villehardouin, p. 20.
“Ha! fet il, trahitres, parjurs,
Com m' avez fet anuit de honte!”
Fabl. et Contes anc., t, 4, p. 469.
Régimes au singulier.
Assonnances en A:
Ma grant dolour et mes maus alegier...
Et tant me fi en sa grant loïauté.
Le comte d' Anjou. (1: La Borde, Essai sur la musique, t. II, p. 154.)
“La corone imperial li mist ou chief.”
Gestes de Louis le Débonnaire. (2: Recueil des Hist. de Fr., t. VI, p. 147.)
Amors ne peut durer ne vivre
Se n' est en cuer franc et delivre.
Roman de la Rose, v. 9484.
Sire, salf me fai. Trad. du ps. 3, MS. n° I.
Assonnances en E:
Qui moult plus riche me fera. Roman de la Rose, v. 6935.
Mès il font lor cruel domage. Roman de la Rose, v. 7658.
Il affiert bien que l' en present
De fruit novel un bel present.
Roman de la Rose, v. 8248.
“De sun tres ferm siege.” Trad. du ps. 32, MS. n° I.
Assonnances en I:
Cil dui valent un mui d' or fin. Partonopex de Blois. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. IX, part. II, p. 83.)
Saluai les, le chef enclin. Roman de la Rose, v. 10095.
Assonnances en O:
Mès il fera une fort glose. Bible Guiot, v. 2433.
Il en éussent bon loier. Roman de la Rose, v. 7664.
Assonnances en U:
Ung grant vilain entr' eus eslurent
Le plus ossu de quanqu' il furent,
Le plus corsu et le gregnor. Roman de la Rose, v. 9645.
De fer dur forgierent lor armes. Roman de la Rose, v. 9679.
Sujets au pluriel.
Assonnances en A:
Loyal seront et dreiturier. Bible Guiot, v. 608.
Tuit franc e tuit quite s' en aillent. Roman de la Rose, v. 7626.
Dieu, com furent prou et vaillant
Et riche et saige et quenoissant.
Bible Guiot, v. 120.
Dex! com il sont estroit et mat. Bible Guiot, v. 2457.
Assonnances en E:
“Turbet sunt ti abysme.” Trad. du ps. 76, psaut. de Corbie.
Sachiés qu' il sunt trestuit doutable. Roman de la Rose, v. 7635.
Tant bon chevalier l' atendoient
Qui tant bel e tant riche estoient.
Partonopex de Blois. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. IX, part. II, p. 47.)
“Se il estoient de riens inobedient vers lui.”
Gestes de Louis le Débonnaire. (2: Recueil des Hist. de Fr., t. VI, p. 155.)
Qui demonstrance font et signe
Qu' il ne sont pas ne bon ne digne. Roman de la Rose, v. 6294.
Cil arbre vert par ces gaudines
Lor pavillons et lor cortines
De lor rains sor eus estendoient.
Roman de la Rose, v. 8473.
Doivent tuis estre diligent. Roman de la Rose, v. 9993.
Qui ne li sont ferm ni metable. Fabl. et Contes anc., t. 3, p. 70.
Assonnances en I:
Li vif déable, li maufé
T' ont si en amer eschaufé. Roman de la Rose, v. 6415.
“Eslit furent li message.” Villehardouin, p. 72.
E quant i furent acompli. Le Castoiement, conte 2.
Hardi furent comme lyon. Bible Guiot, v. 50.
Tuit li prodome sont gentil. Bible Guiot, v. 1011.
Assonnances en O:
Lonc respit m' ont mort. Le Roi de Navarre, chans. 3.
E cil sont si nice et si fol
E guileor et lasche et mol. Bible Guiot, v. 122.
Par poi ne fusmes mort andui. Partonopex de Blois. (1: Not. des MS. de la Bibl. du Roi, t. IX, part. II, p. 82.)
Li baron sunt fort et legier. Roman de la Rose, v. 10476.
Qui ne peuvent estre pior. Bible Guiot, v. 110.
Tuit menjuent sol e sol gisent. Bible Guiot, v. 1328.
Assonnances en U:
C' onc puis ne furent asseur. Roman de la Rose, v. 9690.
Tuit sont venu sans contrement. Roman de la Rose, v. 10484.
Soutil estoient et agu
Li mauves prince, li veincu. Bible Guiot, v. 88.
Mais li prince sont si destroit
Et dur et vilein et felon. Bible Guiot, v. 236.
Régimes au pluriel.
Assonnances en A:
“Envoia les huesces vermeilles et les dras imperials.”
Villehardouin, p. 128.
Voire mains que de blans corbiaus. Roman de la Rose, v. 8735.
En mains lontains pelerinages. Roman de la Rose, v. 9910.
Assonnances en E:
As rois, as princes terriens. Roman de la Rose, v. 9667.
Assonnances en I:
Por l' amor des fins amoreus. Roman de la Rose, v. 8459.
Assonnances en O:
Et n' a ne bons faits ne bons dis. Roman de la Rose, v. 8004.
Assonnances en U:
E vestoient les cuirs veluz. Roman de la Rose, v. 8426.
Degrés de comparaison.
Dans la langue romane et dans les langues de l' Europe latine, les degrés de comparaison furent simples ou composés; simples, quand, pour le comparatif et le superlatif, elles adoptèrent les désinences caractéristiques en OR et en imus, issimus des latins; et composés, quand elles empruntèrent, comme auxiliaires, pour le comparatif, les adverbes de quantité plus, mais, mens, mielhs, aitant, etc.; et pour le superlatif ces mêmes adverbes précédés de l' article, ou de trop, très, molt, etc. C' est dans la seule langue des troubadours qu' on retrouve à la fois Plus et Mais.
La langue française et la langue italienne n' ont conservé que Plus.
La langue espagnole et la langue portugaise n' ont conservé que Mais. (N. E. más en castellano actual) (1: Il existe cependant, dans l' ancien espagnol, quelques exemples de l' emploi de Plus pour former le comparatif composé.
Otros signos contiron que son Plus generales...
Plus blanco de color que la nieve reciente.
Poema de Alexandro, cob. 9, 1244.
Quand je parlerai des adverbes de quantité, je prouverai que l' ancien portugais a fait usage de chus pour plus.)
Comparatifs.
Pour indiquer le second objet de la relation, les comparatifs, soit simples, soit composés, employèrent QUE ou DE, toutes les fois que cet objet était placé après le comparatif.
QUE fut quelquefois sous-entendu.
Comparatifs simples.
Roman. Français. Espagnol. Portugais. Italien.
Maior Major Mayor Maior Maggior
Menor Menor Menor Menor Minor
Melhor Meillor Mejor Melhor Meglior
Peior Pejor Peor Peior Peggior.
Les comparatifs simples français ont eu la désinence romane OR avant de la changer en EUR; et ils étaient invariables, comme le prouveront quelques exemples.
Major est resté dans la langue actuelle et invariable; on dit tambour major, tierce major, quinte major, etc.
E die que li gentil home...
Sunt de meillor condicion. Roman de la Rose, v. 18811.
De Bretaine la menor sui. Marie de France, t. I, p. 72.
Ainz ne l' en fait pejor samblant. Marie de France, t. 2, p. 134.
Je crois inutile de citer des exemples des autres langues; il me suffira de dire que l' italien peut admettre ou refuser l' E euphonique après la désinence en OR des comparatifs.
Outre ces quatre comparatifs simples, communs aux langues de l' Europe latine, il en est d' autres qui de l' idiome roman ont passé dans quelqu'une de ces langues, tels que forsor, gensor, etc.
E tra i servi di dio è fotzore
Chi piu umil e di core.
Not. sur Guit. d' Arezzo, p. 176.
Che, quanto gente è più mestier, gensore
Dimanda overatore.
Guit. d' Arezzo, lett. 30, p. 75.
DE au lieu de QUE après les comparatifs.
Français:
Kar plus forz de mei esteint. Trad. du ps. 17, MS. n° I.
“Onques mes cors de chevaliers mielz ne se defendi de lui.” Villehardouin, p. 48.
“Uns autres Scipions Aufricans qui mains n' estoit pas nobles du premier, ne en lignage ne en fais.” Chron. de France. (1: Recueil des Hist. de Fr., t. III, p. 211.)
N' est pas moins riches de mon pere,
Il n' a enfans, fame ne frere.
Ne nul plus prochain oir de vous.
Fabl. et Contes anc. t. I, p. 177.
“Bruneheult estoit puissans et plus honnorée de li.”
Chron. de France. (2: Ib. t. III, p. 243.)
Est ele plus bele de moi? Fabl. et Contes anc, t. I, p. 354.
“Nus n' est miendres de moi.” Chron. de France. (1: Rec. des Hist. de Fr., t. III, p. 186.)
J' aim plus biau de vous et mult melz apris.
Richard de Semilli. (2: La Borde, Essai sur la musique, t. II, p. 214.)
“Puisque Dieu et nature vous ont créez plus parfaite des autres choses qui ont ame.” Œuvres d' Alain Chartier, p. 453.
Espagnol:
“Que non podrie contarlos de mi mucho meior.”
Vid. de S. Millán. cob. 315.
Otras faciendas fizo d' estas mucho mayores.
Llores de N. Sra, cob. 85. (N. E. llores : loores, alabanzas)
“Ninguna cosa non es peior de los padres que non an piadat.”
Fuero Juzgo VI, III, 7.
“La una es mayor de la otra.” Fuero Juzgo, IV, II, 17.
Quante mas bella se para
De las estrellas la luna.
J. de Mena, Canc. gen. fol. 25.
“Pues que mayor desdicha puede ser, replicó Pansa, de aquella que aguarda al tiempo que la consume.”
Cervantes, D. Quix. I, 3, c. 15. (N. E. Sancho Panza : Pansa)
Portugais:
Seré mais forte e milhor aguardada do que he.”
Doc. de Moncorvo, 1376. (3: Elucidario t. 1, p. 62.)
“Achou melhor acolhimento do que elle esperava.”
J. de Barros, III, I, I.
Muito menos d' aquillo que querian.
Camões, Lus. c. II, st. IX.
E por que vos fez parecer mellor
Deus d' outra dona.
Cancioneiro, MS. do coll. dos nobres, fol. 41.
Mais fremosa de quantas donas vi.
Cancioneiro MS. do coll. dos nobres, fol. 59.
Italien:
“E nescienti siem fatti piu de brutti animali.”
Guit. d' Arezzo, cart. I, p. 4.
“Tutte le fiere bestie ho trovate piu umili di te.”
Cento nov. ant. n° 69.
“Chi piu di me sarebbe felice.”
Nov. ined. p. 83.
“Niun' altra piu onesta ne piu casta potersene trovare di lei.”
Boc. Dec. II, 9.
“Che non fosse in maggior dignità di lei.” Cento nov. ant. n°. 5.
Quanto ciascuna e men bella di lei. Petrarca, Son. Quando fra.
E il mio core è maggior di mia fortuna. Metastasio, Did. att. I.
QUE sous-entendu après le comparatif.
La langue romane sous-entendit quelquefois le QUE après les termes de comparaison; dans l' ancien italien on trouve l' emploi de cette forme.
“E piò soave dorme in vile e piccial letto... no face segnore en grande e caro suo.” Guit. d' Arezzo, lett. I, p. 4.
“Migliore stimo la condizione umana poi lo trepassamento del primo nostro parente... non era avante.” Guit. d' Arezzo, lett. 25, p. 65.
Superlatifs.
Il me suffira de dire que la manière dont ils furent formés dans la langue romane se retrouve dans les autres langues de l' Europe latine.
Les superlatifs composés furent plus particuliers à la langue romane; en général, l' adjonction de l' article devant le comparatif simple ou composé, ou l' emploi des adverbes de quantité, molt, trop, devant l' adjectif, forma cette première classe de superlatifs.
La seconde fut imitée du latin issimus, imus.
La langue romane ajouta ISME à quelques adjectifs; les autres langues reproduisirent les formes latines; l' ancien français autrefois a dit:
Il meismes fundad icele altismes. Trad. du ps. 86, MS. n° I.
Lor confiance por Dieu l' autisme. Ph. Mouskes.
Le filz Diex glorieus, par le sien nom saintisme.
Testament de J. de Meung.
Ces sortes de superlatifs ne sont presque plus d' usage en français, tandis qu' ils sont beaucoup employés dans les autres langues de l' Europe latine.